1° L'espace de temps qui suit le crépuscule du soir, jusqu'au crépuscule du matin. Il fait nuit. Il se fait nuit. À nuit tombante.
Tout obscure qu'elle est, la nuit a beaucoup d'yeux, Et n'a pas pu cacher votre forfait aux cieux [ROTR., Vencesl. V, 4]
Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière, Et que, n'étant plus nuit, il n'est pas encor jour [LA FONT., Fabl. X, 14]
Que vos chevaux [les chevaux de la Nuit], par vous au petit pas réduits, D'une nuit si délicieuse Fassent la plus longue des nuits [MOL., Amph. Prol.]
Cette nuit en longueur me semble sans pareille ; Il faut, depuis le temps que je suis en chemin, Ou que mon maître ait pris le soir pour le matin, Ou que trop tard au lit le blond Phébus sommeille Pour avoir trop pris de son vin [ID., ib. I, 2]
Ô nuit ! ô trahison, dont la double noirceur Passe tout.... [TH. CORN., Ariane, V, 3]
Ô nuit désastreuse, ô nuit effroyable, où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte ! [BOSSUET, Duch. d'Orl.]
Ô gémissements, ô cris de la nuit, pénétrant les nues, perçant jusqu'à Dieu ! [ID., Bourgoing.]
Que l'on voit peu de ces veuves qui passent les jours et les nuits dans la prière ! [ID., Anne de Gonz.]
À la nuit qu'il fallut passer en présence de l'ennemi, le duc d'Enghien reposa le dernier [ID., Louis de Bourbon.]
Les nuits, plus tristes encore que les jours, ôtent à M. de Montausier la douceur de la compagnie, et ne lui donnent pas celle du repos [FLÉCH., Duc de Mont.]
Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle [RAC., Andr. III, 8]
Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée [ID., Bérén. I, 5]
Et ce vainqueur, suivant de près sa renommée, Hier avec la nuit arriva dans l'armée [ID., Iphig. I, 1]
C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit ; Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée [ID., Ath. II, 5]
Et le jour a trois fois chassé la nuit obscure Depuis que votre corps languit sans nourriture [ID., Phèdre, I, 3]
La beauté du jour est comme une beauté blonde qui a plus de brillant ; mais la beauté de la nuit est une beauté brune qui est plus touchante [FONTEN., Mondes, 1er soir.]
J'étais las, attendant chez moi votre retour, Qu'on fit du jour la nuit et de la nuit le jour [REGNARD, Joueur, I, 7]
On jouait [chez la duchesse du Maine] des comédies, ou l'on en répétait tous les jours : on songea aussi à mettre les nuits en œuvre par des divertissements qui leur fussent appropriés ; c'est ce qu'on appela les grandes nuits [STAAL, Mém. t. I, p. 264]
Déjà la nuit plus sombre Couvre ce grand dessein du secret de son ombre [VOLT., Alz. IV, 3]
On comptait encore par nuits, et de là vient qu'en Angleterre on dit encore sept nuits pour signifier une semaine, et quatorze nuits pour deux semaines [ID., Mœurs, 19]
La nuit effraye naturellement les hommes, et quelquefois les animaux ; la raison, les connaissances, l'esprit, le courage délivrent peu de gens de ce tribut [J. J. ROUSS., Ém. II]
La nuit dérobe les formes, donne de l'horreur aux bruits ; ne fût-ce que celui d'une feuille, au fond d'une forêt, il met l'imagination en jeu [DIDEROT, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 260, dans POUGENS]
Les nuits presque toujours belles entre les tropiques [BOUGAINVILLE, Voy. t. II, p. 107, dans POUGENS]
C'est un beau spectacle que celui des nuits de Jupiter, où l'on peut voir à la fois quatre lunes sur un même horizon ; mais ce spectacle n'est rien en comparaison de celui des nuits de Saturne.... [BAILLY, Hist. astr. mod. t. II, p. 399]
Il n'y a personne qui n'ait été frappé de la beauté du spectacle de la nuit ; la vue, encore fatiguée de la lumière du jour, erre sur la voûte céleste, et s'y repose avec complaisance [ID., Hist. astr. anc. p. 23]
Le magnifique spectacle qui rend les nuits des peuples septentrionaux plus ravissantes que nos beaux jours [SENNEBIER, Ess. sur l'art d'observ. t. II, p. 249 dans POUGENS.]
Tout se couvre à mes yeux d'un voile de langueur : Des jours amers, des nuits plus amères encore [A. CHÉN., Élég. X]
Et sur un lit oisif, consumé de langueur, D'une nuit solitaire accuser la longueur [ID., ib. XXXIV]
Ces belles nuits des tropiques où l'on prend une si grande idée de la nature et de son auteur [STAËL, Corinne, XIX, 3]
La nuit a ralenti les heures ; Le sommeil s'étend sur Paris [BÉRANG., Rossignols.]
La nuit arrive alors, une nuit de seize heures ; mais sur cette neige qui couvre tout, on ne sait où s'arrêter, où s'asseoir, où se reposer [dans la retraite de Russie] [SÉGUR, Hist. de Nap. IX, 11]
Cependant la nuit marche, et sur l'abîme immense Tous ces mondes flottants gravitent en silence [LAMART., Méd. II, 8]
Alors ces globes d'or, ces îles de lumière, Que cherche par instinct la rêveuse paupière, Jaillissent par milliers.... sur les pas de la nuit [ID., ib.]
Pourquoi balancez-vous vos fronts que l'aube essuie, Forêts qui tressaillez avant l'heure du bruit ? Pourquoi de vos rameaux répandez-vous en pluie Ces pleurs silencieux dont vous baigna la nuit ? [ID., Harm. I, 3]
Poëte, prends ton luth ; la nuit, sur la pelouse, Balance le zéphyr dans son voile odorant [A. DE MUSSET, Nuit de mai.]
Un an après, il était nuit, J'étais à genoux près du lit Où venait de mourir mon père [ID., Nuit de décembre.]
La nuit, pendant la nuit ; cette nuit, la nuit qui va venir ou qui vient de s'écouler.
On reposait la nuit, on dormait tout le jour [BOILEAU, Lutr. II]
Les vents nous auraient-ils exaucés cette nuit ? [RAC., Iph. I, 1]
Fig. Je ne m'en relèverai pas la nuit, c'est-à-dire c'est une chose dont je ne me soucie guère. Nuit close, nuit fermée, le moment où la nuit est devenue complète.
On la voit, à nuit fermée, entrer seule dans de petites rues [PATRU, Plaidoyer 11, dans RICHELET]
Oiseaux de nuit, les oiseaux de proie que le jour incommode et qui chassent à la tombée de la nuit. La nuit tombe tout à coup, c'est-à-dire le crépuscule ne dure guère. Se mettre à la nuit, s'exposer à être surpris par la nuit. Bon soir et bonne nuit, ou je vous souhaite une bonne nuit, se dit en prenant congé, le soir, des personnes avec qui l'on vit en familiarité. Nuit blanche, nuit passée dans l'insomnie.
J'ai passé une nuit blanche [Mme DU DEFFANT, Lettre à H. Walpole, t. IV, p. 384, dans POUGENS]
Êtes-vous reposé, mon cher Persée [Klinglin], de la nuit blanche que nous avons passée ensemble ? [, Correspondance du général Klinglin, I, 462]
Une bonne nuit, une nuit pendant laquelle on dort bien dans son lit. Passer une bonne nuit.
Son état est toujours bien fâcheux ; depuis quelques jours cependant il a de meilleures nuits [D'ALEMBERT, Lett. à Voltaire, 22 octob. 1768]
Une mauvaise nuit, une nuit pendant laquelle on ne dort pas, en raison de souffrances physiques ou morales. Passer une mauvaise nuit.
Il [Charles le Téméraire] m'a voulu du mal, et m'a fait à Péronne Passer trois de ces nuits qu'avec peine on pardonne [C. DELAVIGNE, Louis XI, III, 13]
On dit dans le même sens : bien passer, mal passer la nuit. On dit d'un malade : Comment a-t-il passé la nuit ? c'est-à-dire a-t-il eu une bonne, une mauvaise nuit ? Ce malade ne passera pas la nuit, c'est-à-dire il mourra dans la nuit. Passer la nuit à étudier, à jouer, à danser, à boire, etc. étudier, jouer, etc. pendant toute la nuit.
Absolument. Passer la nuit, veiller hors de son lit.
[Les paysans] forcés de passer les nuits dans leurs fèves et leurs pois avec des chaudrons, des tambours, des sonnettes pour écarter les sangliers [J. J. ROUSS., Confess. X]
Il y a autant à dire que du jour à la nuit, c'est-à-dire la différence est extrême. Il ne dort pas toute la nuit, se dit d'un homme qui a du souci, des affaires qui le font veiller. Nuit sacrée, dans les dates des manuscrits, la veille de Pâques.
Fig. Faire un trou à la nuit, voy. TROU.
9° La nuit du tombeau, ou des tombeaux, la nuit du cercueil, la nuit éternelle, la nuit infernale, c'est-à-dire la mort, le séjour de la mort.
Avant que je te suive en la nuit du tombeau [ROTR., Antig. V, 8]
Et tomber avec moi dans la nuit du cercueil [ID., Vencesl. V, 2]
Sans me plaindre du sort, je cesserai de vivre, Si ce doux espoir peut me suivre Dans l'affreuse nuit du tombeau [QUIN., Arm. I, 11]
Fuyons dans la nuit infernale [RAC., Phèdre, IV, 6]
Filles d'enfer.... Venez-vous m'enlever dans l'éternelle nuit ? [ID., Andr. V, 5]
Qu'est-ce donc que des jours pour valoir qu'on les pleure ? Un soleil, un soleil, une heure et puis une heure, Celle qui vient ressemble à celle qui s'enfuit ; Ce qu'une nous apporte, une autre nous l'enlève : Travail, repos, douleur, et quelquefois un rêve, Voilà le jour, puis vient la nuit [LAMART., Méd. II, 5]
On dit dans le même sens : nuit sans matin, nuit sans réveil, nuit noire.
Punis ces malheureux d'une nuit sans matin [RACAN, Psaume 3]
Voyez la consolation Que vous auriez dans la nuit noire, Lorsque vous saurez la façon Dont vous aurait traité l'histoire [VOLT., Ép. 20]
L'éternelle nuit, se dit aussi de la damnation éternelle.
Si la nuit de la mort m'eût privé de lumière, Je n'aurais pas la peur d'une éternelle nuit [MALH., I, 4]