échapper
(Mot repris de échappassiez)échapper
v.t. ind. [ lat. excappare, sortir de la chape ] (à)s'échapper
v.pr.ÉCHAPPER
(é-cha-pé) v. n.REMARQUE
- 1. Quand échapper signifie s'enfuir, il faut de : il échappe de prison ; s'il signifie être sauvé de, on met à ou de : il a échappé au naufrage ou du naufrage ; s'il signifie se soustraire à, on met à : il a échappé à la mort, aux flammes. Il a échappé de prison signifie qu'il s'est enfui de la prison ; il a échappé à la prison ou il a échappé la prison, signifie que, courant le risque d'être emprisonné, il l'a évité.
- 2. S'échapper veut toujours de et jamais à.
- 3. Échapper se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand on veut exprimer l'action ; avec être, quand on veut exprimer l'état. Ainsi dans ce vers de Racine : Quelque Troyen vous est-il échappé ? Il faut est, puisque le poëte veut dire : reste-t-il quelque Troyen qui vous ait échappé ? Mais, si l'on rappelait le meurtre de Priam par Pyrrhus dans le sac de Troie, il faudrait dire : Priam vous a-t-il échappé ?
- 4. D'après l'Académie, échapper, dans le sens de n'être pas saisi, compris, se conjugue avec le verbe avoir. Pourtant Fontenelle s'est servi du verbe être ; et on ne voit pas en effet pourquoi il y aurait obligation d'employer le verbe avoir.
- 5. D'après l'Académie, échapper, signifiant être fait ou dit par mégarde, veut toujours l'auxiliaire être. Cette décision est, en fait, contraire à l'usage d'excellents auteurs (voy. les exemples) ; et, en grammaire, il n'y a aucune raison pour qu'en cet emploi on ne puisse signifier aussi l'état ou l'action avec les auxiliaires être ou avoir.
HISTORIQUE
- XIe s. Kar leist [il est permis] à faire damage à altre par poür [peur] de mort, quant per el [par autre moyen] ne pot eschaper [, Lois de Guill. 38]S'uns en escape, morz es et confondus [, Ch. de Rol. CCXC]
- XIIe s. Se truis [si je trouve] Rolant, vis [vif, vivant] non puet escaper [, Ronc. 40]Li doze pair n'en escamperont mie [, ib. 43]Jà cil d'Espaigne n'escamperont entier [, ib. 83]Eschapez [il] fu [de prison] par Brehas sa moillier [sa femme] [, ib. 129]Et fors de son poing destre li eschappa l'espée [, ib. 196]Mais retrait m'a en la folour [folie] Mes cuers [mon cœur], dont [de laquelle] [je] l'avoie escapé [, Couci, III]À peine [je] sui sans mourir eschapez [, ib. XI]Et eschapés de perillouse voie [, ib. p. 124]Si [il] comanda sor tote rien [sur toute chose] L'enfant à garder par maistrie, Sor lur menbres et sor lor vie, Qu'il n'en chapt ne qu'il ne fuie [BENOÎT, II, 13716]Si com chascuns estoit eschapez de la hart [, Sax. XXIX]Merci al creatur, Que sumes eschapé de si grant deshonur [, Th. le mart. 109]
- XIIIe s. Car de mout grant peril furent eschapé [VILLEH., CV]Ainsi eschapa Berte Tybert sans son congé [, Berte, XX]Puisqu'ele est eschapée, au meilleur nous tenons [tenons-nous à ce qu'il y a de mieux] [, ib. XXIII]Si j'avoie cent vies.... Ne me pourroit pas estre une seule eschapée.... [, ib. XLVI]Se Berte nous eschape [nous quitte], jamais joie [je] n'aurai [, ib. LVII]Bien [elle] voit [que] par autre tor ne pourra eschaper [, ib. CXII]Et li rois Phelippes et li autre prince li manderent que.... s'il ne le rendoit dans tier jour, il n'en escaperoit, fors par la hart [, Chron. de Rains, 36]Se Diex plaist, je ne morrai pas, Ainçois en eschaperai bien [, Ren. 25787]Par les justices qui trop delaient, sont maint malfeteur escapé et maint mal fet [BEAUMANOIR, 40]Et en tels degrés de lignage se pot fere mariages, puisqu'il escape le quart [ID., XIX, 5]Et il respondi que il entendoit que j'avoie l'apostume en la gorge, par quoi je ne pouoie eschaper [JOINV., 241]Honniz soit qui por endeter Laira bone vie à mener ; Adès la voit on eschaper, à quel chief que doie torner [COLIN MUSET, dans Hist. littér. de la France, t. XXIII, p. 555]
- XIVe s. Le sanglier vient aux levriers, Et ilz le prennent volentiers ; Au regarder a grant plaisance ; à l'ung echappe, à l'autre lance, Et font un grant tourniement [, Modus, f° CXII]
- XVe s. Si se mit dans un vaisseau qu'on appelle lique à tout ce de gens qu'il avoit eschappés [FROISS., I, I, 182]Si avons entendu qu'il n'y eschappe journée qu'il n'y ait jouste [, Perceforest, t. V, f° 89]Le cheval effroyé et espouvanté se eschampa de costé, ou recula parmi de grosses pierres [DU CANGE, escapium.]
- XVIe s. Ce levrier n'eschappoyt ni lievre ni regnard devant luy [RAB., Garg. I, 42]Ainsi commenceoyt escamper de la chambre, mais.... [ID., Pant. III, 17]Richelieu parlementa, et composa à armes et bagues sauves : les soldats eschapperent aux chefs pour le bagage seulement [D'AUB., Hist. I, 226]Ici il faut faire distinction en tels accidens des capitulations qui se faussent avec le gré des chefs, ou seulement par la mutinerie des gens de guerre, ce que nous appellons en tel cas eschapper [ID., ib. I, 313]Huict qui eschapperent la premiere fureur furent gardez pour le bourreau [ID., ib. II, 264]Se sentant defaillir et eschapper du cheval [MONT., I, 16]Il leur eschappe de belles paroles, mais.... [ID., I, 146]Si cette piperie m'eschappe à veoir, au moins ne m'eschappe il pas à veoir que je suis très pipable [ID., I, 81]Si quelqu'un se defaisoit en prison, celuy-là m'est eschappé, disoit-il [ID., II, 383]Perseus, lui embrassant les genoulx, se laissa eschapper de la bouche des paroles si lasches et de si viles prieres, que.... [AMYOT, P. Aem. 44]Le jeune Marius, voyant bien qu'il ne pouvoit eschapper qu'il ne fust pris, se desfeit luy mesme [ID., Sylla, 67]Celui n'est eschappé, qui traine son lien [H. EST., Apol. d'Hér. XXVI]
ÉTYMOLOGIE
- Picard, écaper ; bourguig. échaipé ; Berry, achapper ; provenç. espagn. et portug. escapar ; ital. scampare. En lisant l'historique, on verra qu'il y a deux formes, escaper et escamper ; elles répondent à deux étymologies différentes : escaper vient de ex-cappare, sortir de la cappe, se mettre à découvert (l'italien, remarque Diez, a in-cappare, tomber dans) ; escamper vient de ex-campare, sortir du champ, s'en aller. On trouvera dans un exemple du XIIe siècle chapt au subjonctif pour eschapt ; mais c'est une faute ; le simple chaper ne pourrait rien signifier, et ici le vers est fautif, manquant d'une syllabe, il faut donc lire eschapt.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
- ÉCHAPPER. - REM. Ajoutez :
- 5. L'emploi d'échapper à l'actif est dans le Dictionnaire de l'Académie et dans plusieurs bons auteurs. J'ai échappé la mort à telle et telle rencontre ; c'est mal parler : j'ai échappé la mort ; j'ai évité ce péril, mais non pas la mort [BOSSUET, Fragment sur la brièveté de la vie]Ceux qui s'étaient appuyés sur des conseils accommodants et sur des condescendances flatteuses, qui pensaient avoir échappé la honte [ID., Sermons, Jugement dernier, 2]Nul n'échappera cette honte [ID., ib.]
- Il ne faut pas laisser tomber cet emploi en désuétude.
échapper
ÉCHAPPER DE signifie Cesser, par la force ou par la fuite, par un mouvement violent ou adroit, d'être où l'on était, où l'on était retenu, Échapper des mains des ennemis. Échapper du naufrage, du feu.
ÉCHAPPER À signifie Se soustraire, se dérober par la fuite à, être préservé de. Il ne peut échapper au dilemme pressant de son adversaire. Échapper à la fureur, à la poursuite des ennemis. Il ne peut m'échapper. Échapper à la tempête. Échapper au danger. Échapper à la mort.
Fig. et fam., C'est un cheval échappé. Voyez CHEVAL.
Le participe passé ÉCHAPPÉ s'emploie aussi comme nom. Fig. et fam., Un échappé de Charenton, ou simplement des petites maisons, Un fou qui a été enfermé ou qui pourrait l'être. Un échappé du bagne, de prison, Un homme qui a été au bagne, en prison ou qui l'a mérité.
S'ÉCHAPPER se dit aussi, par extension, d'une Chose qui d'elle-même sort d'un lieu, d'un endroit, d'une autre chose où elle était retenue, enfermée, contenue. L'eau s'échappe par une fente du rocher. La fumée ne s'échappait que par une étroite ouverture. Des pleurs s'échappèrent de mes yeux. L'épée s'échappa de mes mains. On dit aussi L'épée échappa de mes mains.
ÉCHAPPER signifie plus particulièrement, tant au sens physique qu'au sens moral, N'être pas saisi, aperçu, découvert, ou seulement remarqué; et alors il se conjugue toujours avec l'auxiliaire Avoir. Des étoiles si éloignées, des insectes si petits échappent à la vue, aux yeux. La cause de ce phénomène échappe à toutes les recherches. Bien des choses échappent à notre attention. Rien n'échappe à sa pénétration. Le véritable sens avait échappé à tous les traducteurs. Votre observation m'avait d'abord échappé. Il a dit une sottise qui n'a point échappé à ses auditeurs.
Il se dit figurément et absolument de Quelqu'un qui se dérobe à la discussion. Il échappe. Il est fuyant, il échappe.
Il se dit encore, figurément, des Choses dont on est frustré, ou que l'on ne saurait conserver, fixer, qui se perdent, s'évanouissent, se dissipent. Cet emploi, cet héritage lui échappe au moment où il croyait le tenir. Laisser échapper une place. Laisser échapper l'occasion, une bonne occasion. Cet avantage pourrait bien lui échapper. Son autorité lui échappe. La vie, le temps nous échappe. Ce dernier espoir allait aussi lui échapper. On dit aussi pronominalement. Il vit s'échapper le dernier espoir qui lui restait. Toutes ses illusions se sont échappées l'une après l'autre.
La patience lui échappe, lui a échappé, Il commence à perdre patience, il a témoigné de l'impatience; ou Il s'emporte, il s'est emporté, après s'être longtemps contenu.
Échapper de la mémoire, se dit des Choses dont on perd le souvenir, que l'on oublie. Cela m'avait, m'était échappé de la mémoire.
Laisser échapper un cri, un soupir, Pousser involontairement un cri, un soupir. Dans un sens analogue, Un cri, un soupir lui échappa, lui a échappé, lui est échappé, vint à lui échapper.
ÉCHAPPER s'applique particulièrement à Ce qu'on dit, à ce qu'on fait par imprudence, par indiscrétion, par mégarde, par négligence, etc.; et alors il se conjugue le plus souvent avec l'auxiliaire Être. À peine cette parole me fut-elle échappée, que je sentis mon imprudence. Son secret lui échappa. Il est impossible qu'une pareille bévue lui soit échappée. Quelques fautes, quelques négligences vous sont échappées par-ci par-là. On dit dans un sens analogue Laisser échapper un mot, un secret, etc.
Il s'emploie souvent dans le même sens comme verbe impersonnel. Il lui est échappé un mot inconvenant. Il m'est échappé, il lui est échappé de dire, de faire. Il lui échappe souvent de dire des choses déplacées. Il lui est échappé des fautes, des négligences.
Il est quelquefois verbe transitif et signifie alors Éviter. Échapper la potence. Il ne l'échappera pas.
Prov., L'échapper belle, Éviter heureusement un péril dont on était menacé. Il l'a échappé belle.
Il signifie aussi, figurément, S'emporter inconsidérément à dire ou à faire quelque chose contre la raison ou la bienséance. Il est sujet à s'échapper. Il s'échappe souvent. Il s'est échappé jusqu'à injurier ce vieillard.
échapper
échapper (s')
échapper
escape, flee, break away, break loose, elude, get awayontgaan, ontkomen, ontsnappen, niet duidelijk zijn, niet invallen [woord], ontglippen [woord], ontsnappen (aan), ontvallen, opraken [geduld]ontkom aan, ontsnapdefugir, eludir, evadirundfly, undkommeausweichen, entfliehen, entgehen, entkommen, entrinnen, entwischen, fliehen, auskommeneskapiescaparpäästä karkuunescapar, escapar deevada, fugirymma, undkommaδιαφεύγωevadere, guizzare, salvarsi, scampare, sfuggireEscape (eʃape)verbe intransitif
échapper
[eʃape] viLe prisonnier a réussi à échapper à la police → The prisoner managed to escape from the police.
l'échapper belle → to have a narrow escape
Nous l'avons échappé belle → We had a narrow escape.
ça m'a échappé (indiscrétion, gros mot) → it just slipped out
Il m'a échappé des mains → It slipped out of my hands.
laisser échapper qch [+ corde, vase, verre, statuette] → to let sth fall; [+ cri] → to let out sth; [+ victoire, occasion, chance] → to let sth escape, to let sth slip through one's hands [eʃape] vpr/vi → to escape
Il s'est échappé de prison → He escaped from prison.