CAPTIVER
(ka-pti-vé) v. a.1° Retenir prisonnier.
Il captivait sa femme cependant, De ses cheveux voulait savoir le nombre, La faisait suivre en toute heure, en tous lieux [LA FONT., On ne s'avise pas....]
Tombé en désuétude au propre.
2° Fig. Soumettre, maîtriser. Un enfant difficile à captiver. Mes affaires me captivent entièrement.
Loin de vous captiver, souffrez qu'elles [les grandeurs] vous cèdent [CORN., Cinna, II, 1]
... Quoi ! votre amour souffre qu'on le captive ? [RAC., Brit. II, 6]
La vengeance à ce point a pu vous captiver [VOLT., Mérop. IV, 2]
Que chacun sous telle puissance Captive son obéissance [MALH., V, 28]
Soumettre notre raison en la captivant sous le joug de la foi [BOURD., Car. I, Rel. chr. 270]
Sacrifiant nos lumières, captivant notre raison [MASS., Panég. Un saint mart.]
Tout fidèle doit captiver son entendement [FLÉCH., Dauphin.]
Absolument.
Les observances deviennent pénibles ; la prière, loin de consoler, gêne et captive [MASS., Panég. Prof. relig. sermon 2]
3° Séduire, gagner. Captiver son auditoire.
[Ils] trouvent le secret de captiver les sens [CORN., Sert. II, 2]
Pour charmer le vulgaire, Pour captiver un peuple inquiet et jaloux [VOLT., Sophon. V, 1]
Je la vis captiver et le peuple et l'armée [ID., Sémir. II, 4]
Arts trop pernicieux dont l'éclat les captive [ID., Tancr. I, 1]
Les femmes cherchent à captiver les hommes de parti [DIDER., Ess. sur Claude.]
4° V. réfl. Se captiver, se rendre captif, attentif, soumis. Il faut savoir se captiver.
Ce qui le plus me désespère, C'est cet amant parfait et si digne de plaire Qui se captive sous ses lois [MOL., Psyché, IV, 1]
Pendant que tu disais en ton cœur rebelle : je ne puis me captiver.... [BOSSUET, Anne de Gonzague.]
HISTORIQUE
- XVe s.
Infidelité naist de l'orgueil de l'entendement qui ne se veut soumettre ou captiver pour obeir à la Sainte Ecriture [GERSON, dans le Dict. de DOCHEZ.]
- XVIe s.
Dieu accepte notre obeissance, moyennant que nous captivions et mations tous nos sens et desirs pour les rendre sujets à lui [CALV., 238]
L'or des cheveux me captive [DU BELLAY, VII, 21, verso.]
Je captive ayséement mes creances soubs l'auctorité des opinions anciennes [MONT., II, 15]
Le plus grand nombre, au lieu de hausser quelques fois l'esprit, le rabaissent tousjours, et le captivent en la fange de la terre [LANOUE, 528]
Quand vous aurez captivé le cœur de tous les François [D'AUB., Vie, XCIII]
Apprenons à nous captiver et brider nostre appetit [PARÉ, XXIV, 53]
Nostre ame, serve et captivée soubs l'auctorité des leçons d'aultruy [MONT., I, 161]
Il faut ouyr, considerer et faire compte des anciens, non s'y captiver qu'avec la raison [CHARRON, Sagesse, préf. de la 2e édit.]
ÉTYMOLOGIE
- Provenç. captivar ; espagn. cautivar ; portug. cativar ; ital. cattivare ; de captivare, de captivus (voy. CAPTIF).
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877
captiver
CAPTIVER, v. a. [Kaptivé: l'i est bref devant la syll. masc. Je captivais, il captiva, captivant. Il est long devant l'e muet: il captîve, il captîvera.] Rendre captif. Il ne se dit qu'au figuré. "La beauté qui le captive. — Assujétir. Captiver son esprit sous le joug de la Foi. "Il ne sauroit se captiver, etc.
Ce mot est beau et élégant:
Et celui qui captive une mer furieûse,
Borne aussi des Humains l'humeur ambitieûse.
L. Rac.
Rem. On ne dit point au propre, on l'a captivé, pour, on l'a mis en prison. Racine a pourtant dit:
Et déjà son amour lassé de ma rigueur,
Captive ma persone au défaut de mon coeur.
Cela peut être bon en vers, sur-tout à caûse de l'oposition du propre au figuré; mais hors de-là il ne vaudrait rien. Dict. Gr.
Jean-François Féraud's Dictionaire critique de la langue française © 1787-1788