CELUI, CELLE, pronom démonstratif. [Cè-lui, cèle, 1re e muet au 1er, è moy. au 2d. Au plur. ceux, celles.] 1°. Ils supléent pour les substantifs qui précèdent, et sont très-utiles pour faire éviter une répétition, souvent désagréable. Au lieu de dire, par exemple: mes regards ne sont pas les regards d'un Juge sévère, on dit, ne sont pas ceux d'un Juge, etc. Racine retranche ceux:
Voyez si mes regards sont d'un Juge sévère. Andr.
Le tour du vers en est plus vif, quoique la construction soit moins régulière.
2°. La principale propriété de celui et de celle, est d'avoir les mêmes régimes que les mots, pour lesquels ils supléent. "Il en a tous les droits, toutes les prérogatives, même celui (ou celle), de nomer aux emplois. Celui ou celle, dans cette phrâse, régit l'infinitif et la prép. de, qui est le régime des substantifs droit, prérogative, qu'ils représentent.
3°. Par lui-même, celui régit fort bien les noms au génitif. "Ce fut celui de tous les jeunes gens, que j'aimais le plus. Télém. — Ce génitif peut quelquefois précéder celui; et l'on pourrait dire, en tournant aûtrement la phrâse: "De tous les jeunes gens, ce fut celui que j'aimais le plus. Voy. GÉNITIF. = Dans cette ocasion, faut-il mettre le verbe au subjonctif, ou à l'indicatif? Doit-on dire avec Pluche: "L'air est, de tous les élémens, celui dont le feu se puisse moins passer, ou dire, se peut moins passer: Écoutons Aristote: c'est celui de l'École d'Athènes, qui se soit (ou qui s'est) le plus mêlé de Physique. Id. Il y a des exemples et des autorités pour les deux manières. J'aime mieux la 2de; elle est d'un usage plus commun. Voy. SUPERLATIF.
4°. Celui, celle, ne doivent pas être trop éloignés du nom qu'ils remplacent. "Le courage, cette qualité spéciale des armées Françoises, devenoit presque toujours inutile et souvent funeste, parce que la discrétion n'étoit pas celle de nos Conseils. Linguet. À~ la fin de la phrâse, on a déjà oublié le mot qualité, et l'on ne sait plus à quoi celle se raporte. — On peut apliquer ici cet avis de Bouhours: Quand celui fait quelque équivoque, ou quelque embarras dans la phrâse, il faut s'en abstenir, et répéter le mot qui précède.
5°. Ce pronom, quand il se dit des persones, peut s'employer avec raport ou sans raport à un nom, qui précède ou qui suit. "Une femme vraiment estimable, est celle qui remplit exactement les devoirs de son état. "Celui qui fera plus, sera plus récompensé. — Mais quand il se dit des chôses, il est toujours relatif à un nom: "C'est un méchant métier que celui de médire: que celui, c. à. d., que le métier: "Choisissez celle de ces éditions, qui vous paroîtra la plus belle. Wailly.
6°. Celui, comme les aûtres pronoms relatifs, ne doit pas se raporter à un nom pris dans un sens indéfini. Exemple: Il faut que vous ayiez soin de travailler avec la grâce, et que vous remettiez à Dieu celui de vous visiter. Il faut dire, que vous ayiez un grand soin, etc., et que vous laissiez à Dieu le soin, etc. Wailly. — Ainsi l'on dit avec l'article indéfini, des sentimens d'honneur et de probité; mais on ne doit pas dire: il a perdu tous les sentimens, même ceux d'honeur et de probité. Il faut dire, ceux de l'honeur et de la probité. Dict. Gram.
7°. Quoique celui fasse fonction de substantif, il n'en a pas pourtant tous les droits: il ne peut être modifié par des adjectifs. "Quoique les troubles d'Angleterre encourageassent la France à entrer dans quelques expéditions contre son anciène énemie, ceux plus considérables encôre, qui l'agitoient elle-même, l'obligèrent bientôt de prendre des mesûres pacifiques. Hist. d'Angl. "Je ne puis mieux finir cette lettre, qu'en vous faisant part de celle écrite par M. de Bufon à cette Dame respectable (Mde la Comtesse de Genlis). Ann. Litt. "Sa faûte est ensuite couverte par celle beaucoup plus grande que commit le Pape. Moreau. "Pline dit que Carès inventa les augûres tirés des oiseaux, et qu'Orphée inventa ceux tirés des aûtres animaux. Le Gendre. = * La chôse est plus choquante encôre, quand on unit celui, ou celle, à des superlatifs: "Elle débite à tout venant.... toujours les chôses les plus futiles, et souvent celles les plus ridicules. Mercûre. Cela est d'une dureté insuportable. La phrâse suivante l' est peut-être encôre plus. "Le goût de la Philosophie n'étoit pas alors celui dominant. Dict. Hist. Art. DELISLE. Addit. au T. IV, IIe part. — Ce tour est propre au Palais, et du style de la Chancellerie. Voy. CE III, n° 3°.
8°. Après celui, on ne doit point mettre il: ce seraient deux nominatifs pour le même verbe. "Ceux, dont le cerveau n'est point rempli de traces profondes... ils peuvent se passer des secours qu'on tire des passions. Mallebr. Retranchez ils.
* 9°. Aûtrefois on disait celui et celle, pour cet, cette. "Les Gantois firent ouvrer une bombarde merveilleûsement grande... et quand celle bombarde décliquoit, on l'oïoit de cinq lieues loin, par jour, et de dix par nuit. Froissard. Ce vieux Auteur parle au même endroit d'un engin merveilleûsement grand, et apeloit-on celui engin un mouton. "Les gens disent, en celui pays, que, etc. Dites, en ce pays-là. — Plus récemment, celui s'est dit pour persone: "Il n' y eut celui qui ne s'intéressât dans leurs maux. Vaugelas, dans son Quinte-Curce. L'Auteur des Réflexions aprouvait cette acception de ce pronom. La Touche doutait qu'elle fût d'usage. Nous pouvons dire qu'elle est aujourd'hui entièrement inusitée, vieille et barbâre.
CELUI-CI, celle-ci; celui-là, celle-là. 1°. Ils s'emploient, comme celui, à la place des persones, ou des chôses, dont on parle. La principale diférence, qui se trouve entre ces trois pronoms, c'est que celui n'a de lui-même qu'une signification vague, et qu'il exige toujours, après un qui relatif, qui en détermine le sens; celui qui veut être heureux, doit pratiquer la vertu. Celui-ci et celui-là, au contraire, ont une signification fixe, par le moyen de ci et là, qui en sont inséparables, dont l'un marque les chôses plus proches de la persone qui parle, et l'autre, les chôses qui en sont plus éloignées. — Ils n'exigent point de qui, et ce serait mal d'en ajouter un immédiatement, et de dire: celui-là qui voudra être heureux, etc. Aûtrefois on l'employait de la sorte sans dificulté.
Mais qu'il soit une amour si forte
Que celle-là que je vous porte,
Cela ne se peut nullement.
Malherbe.
Car le feu, qui brûla Gomôre,
Ne fut jamais si véhément,
Que celui-là qui me dévore.
Voiture.
* 2°. Plus anciènement, on employait celui dans le même goût, mais en le séparant de qui relatif: "Celui est en abomination au Seigneur, qui fiche (fixe) et arrête l'oeil sur des objets indécens. St. Fr. de S. "Celui s'estimoit heureux, qui pouvoit mener un Frère mineur avec soi. Chron.
Celui n'écrit aucune chôse,
Duquel l'ouvrage on ne lit point.
Marot.
— Aujourd'hui on dit, celui-là; car lorsqu'il y a quelque chôse entre ce pronom et qui, on peut employer le relatif: celui-là est heureux, qui ne désire rien. Mais remarquez qu'alors là est une particule surabondante et que celui-là ne signifie rien de plus que celui; c' est comme si l'on disait, celui qui ne désire rien est heureux.
3°. Celui-là, modifié par seul, peut aussi être suivi du pronom relatif. "Toujours immédiatement soumis à celui-là seul, qui portoit la courone.
4°. Pour celui-ci, il peut être suivi du qui relatif dans une seule circonstance, et c'est, lorsque qui est le sujet, le nominatif d'une phrâse, qui est comme en parenthèse; par exemple: celui-ci, qui est déjà usé, vaut mieux que celui-là, qui est tout neuf: "J'aime mieux celui-là, qui est assez grôs, que celui-ci, qui est trop petit, etc. — Dans le sens indéfini, on doit toujours dire, celui-là, et non pas, celui-ci, comme dit Jean-Jaques: "Celui-ci doit avoir plus de voix, qui peut se passer de crier. Dites: Celui-là doit, etc., qui peut, etc.
5°. Il est des ocasions, où non-seulement on peut, mais où l'on doit employer là ou ci, après celui, quoiqu'il soit suivi d'un qui relatif, comme quand on dit, en montrant du doigt: C'est celui-là, qui m'a volé; c'est celui-ci qu'il faut arrêter.
6°. Hors de là, il n'y a que le peuple qui dise, celui-là qui m'ataquera, s'en repentira, pour celui qui m'ataquera, etc. "Toi, (c. à. d. d'être tutoyé) c'est ma part, et celle-là du pauvre peuple. Mariv. C'est un paysan qui parle. Cet exemple montre qu'on ne doit pas plus mettre la prép. de, que les pronoms relatifs, après celui-là.
7°. Celui-là, au lieu de, cela, est du style familier. "Lucinde. Espèrent-ils de mieux plaire aux femmes, en s'éforçant de leur ressembler? Marton. "Pour celui-là, ils auroient tort. J. J. Rouss. Narcisse, ou l'Amant de lui-même. "Des réflexions! toi! Je n' aurois pas deviné celui-là. Ibid. "Moi, acomplie! Oh! celui-là est trop fort. Th. d'Educ.
* 8°. On disait aûtrefois, cettui-ci, cettui-là, et même, cette-ci. Voy. CETTUI.