CONSACRER
(kon-sa-cré) v. a.1° Dédier, dévouer à la divinité.
Un temple que les rois d'Égypte avaient consacré à ce Dieu [FÉN., Tél. II]
Venez, de l'huile sainte il faut vous consacrer [RAC., Athal. IV, 3]
De leurs champs dans leurs mains portant les nouveaux fruits Au Dieu de l'univers [ils] consacraient ces prémices [ID., ib. I, 1]
Se consacrer, consacrer à soi.
Les dépouilles que le Seigneur s'était consacrées [MASS., dans le Dict. de POITEVIN.]
2° Convertir le pain et le vin en la propre substance et corps de Jésus-Christ par la vertu des paroles sacramentelles que le prêtre dit au milieu de la messe.
Dans une bouche qui consacre le corps de Jésus-Christ [PASC., Prov. X]
On consacrait beaucoup d'hosties à cause de la multitude des communiants [BOSSUET, Déf. comm.]
C'est aussi de vrai pain et de vrai vin que l'on consacre et dont on fait, en les consacrant, le vrai corps et le vrai sang du Sauveur [ID., Variat. liv. II, § 38]
Absolument. On ne consacre point le jour du Vendredi saint. Le prêtre a consacré quand il fait l'élévation.
3° Par extension, rendre sacré, respectable, honorable. Le sang des martyrs a consacré ce lieu.
Ce choix pouvait combler trois familles de gloire, Consacrer hautement leurs noms à la mémoire [CORN., Hor. II, 1]
Il n'y a point de particulier qui ne se voie autorisé par cette doctrine à adorer ses inventions, à consacrer ses erreurs, à appeler Dieu tout ce qu'il pense [BOSSUET, Reine d'Anglet.]
Parmi tant de lieux de piété qui consacrent cette ville royale [FLÉCH., II, p. 188]
Pour consacrer ses travaux apostoliques par les mérites de l'obéissance [ID., Panég. II, 220]
De son règne naissant [il] consacre les prémices [RAC., Bérén. I, 5]
Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire Qui devaient dans les cœurs consacrer ma mémoire ? [RAC., Bérén. IV, 4]
Le peuple a jusqu'ici consacré ma bonté, Vois ce temple que Rome élève à la clémence [VOLT., Mort de Cés. I, 4]
Et je l'ai vue aussi cette cour peu sincère, Des crimes de Néron approuver les horreurs ; Je l'ai vue à genoux consacrer ses fureurs [RAC., Bérén. II, 2]
De Manuel pour consacrer la gloire, Prêtez secours au pauvre chansonnier [BÉRANG., Manuel.]
4° En général, destiner, dévouer. Consacrer sa vie à l'étude.
Souffrez que ma vertu dans mon cœur rappelée Vous consacre une foi lâchement violée [CORN., Cinna, V, 3]
Surtout j'ai cru devoir aux larmes, aux prières Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières [RAC., Athal. I, 2]
Effaçons tous ces noms Que Rome y consacrait à d'éternels affronts [ID., Mithr. III, 1]
Je vous ai consacré mes sentiments, ma vie [VOLT., Tancr. I, 4]
En consacrant tous les jours un certain temps réglé à la lecture des anciens auteurs, ils feront peu à peu un amas de richesses dont ils seront eux-mêmes étonnés dans la suite [ROLLIN, Traité des études, 4e part. ch. 1]
5° Sanctionner. L'usage a consacré cette locution.
Les droits de mes aïeux que Rome a consacrés.... [RAC., Brit. IV, 2]
Les maximes que l'usage a consacrées [MASS., Profess. 1]
6° Se consacrer, v. réfl. Se consacrer à Dieu. Il se consacra à la vie religieuse. Se consacrer tout entier à l'étude des sciences. Être consacré. L'hostie se consacre avant l'élévation.
HISTORIQUE
- XIVe s.
Celui lieu devoit estre inauguré, c'est à dire consecré selon la science des augurs [BERCHEURE, f° 57, verso.]
Et les dons du magnifique ont aucunes condicions semblables as dons qui sont consecrés as diex [ORESME, Eth. 116]
Quant li enfes fu nés, li prestres qui fu là, En iawe consacrée illoec le presigna [, Baud. de Seb. VII, 477]
- XVe s.
C'est de la sainte ampoule dont monseigneur saint Remi consacra Clovis premier roi chrestien qui fut en France [FROISS., II, II, 74]
Ô roi très chrestien, roi consacré [GERSON, Sermons, dans Hist. litt. de la Fr. t. XXIV, p. 376]
- XVIe s.
Ils disent qu'en consacrant le pain il se fait une conversion secrete [CALV., Instit. 1104]
Sylla, donnant et consecrant à Hercules la dixme de tous ses biens, feit de sumptueux festins au peuple romain [AMYOT, Sylla, 71]
Portant en sa main un mords de bride pour le consacrer et offrir à la deesse Minerve [ID., Cimon, 9]
ÉTYMOLOGIE
- Provenç. consecrar, consegrar ; espagn. consagrar ; ital. consacrare ; du latin consecrare, de cum, et sacrare, sacrer.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877
consacrer
Consacrer, Consecrare, Inaugurare, Dicare, Sacrare.
Consacrer et dedier à quelque sainct les biens d'aucun, Religare religionibus bona alicuius.
Consacré et dedié par certaines paroles, Deuotus sacris.
Consacré à Dieu, Sacer, Deo dicatus, Sacratus.
Consacré ou sainct, Augustus.
Lieu consacré à Dieu, Locus diuinus, vel consecratus.
Qui n'est point consacré ne dedié à Dieu, Profanus.
Jean Nicot's Thresor de la langue française © 1606