Porter malheur se dit d'une Personne dont la présence est censée causer du malheur à une autre. Il se dit aussi des Choses. Le chiffre 13 passe pour porter malheur.
De malheur s'emploie avec la valeur d'un adjectif, avec des noms de personnes ou de choses que l'on considère comme funestes. Ce conseiller de malheur. Ce médecin de malheur. Pourquoi ai-je entrepris ce voyage de malheur?
Jouer de malheur, Avoir une mauvaise chance au jeu. Il signifie figurément Éprouver une série de contrariétés que l'on attribue à sa malchance. Je suis venu deux fois chez vous sans vous trouver, j'ai joué de malheur.
Prov., Il n'y a qu'heur et malheur en ce monde, Tout y dépend des circonstances, et souvent ce qui cause la ruine des uns fait la fortune des autres.
MALHEUR signifie aussi Accident fâcheux, désastre. Il lui est arrivé un malheur, un grand malheur. Il vous arrivera malheur. Prévenir, réparer un malheur. Il est accablé de malheurs. Tous les malheurs de la vie ont fondu sur lui. J'ai éprouvé bien des malheurs. Ne vous affligez pas de cela, c'est un petit malheur, ce n'est pas un malheur.
Ironiquement et fam., Le grand malheur, le beau malheur! Il n'y a pas grand mal. On dit dans un sens analogue et très familièrement : Quel malheur!
Prov., Un malheur ne vient jamais seul.
Prov., À quelque chose malheur est bon, Quelquefois une infortune nous procure des avantages que nous n'aurions pas eus sans elle.
MALHEUR À se dit par imprécation. Malheur aux impies! Malheur à moi, si jamais je cède à ses instances! Malheur aux vaincus! Maxime d'après laquelle les vaincus doivent subir la loi du vainqueur.
PAR MALHEUR, loc. adv. Par l'effet d'un accident, d'un hasard malheureux. Il est arrivé, par malheur, qu'un éboulement s'est produit. Par malheur, il fit une chute.
Malheur, Miseria, Infoelicitas, Infortunium.
Il advint un grand malheur, Obuenit hoc vitium, B. ex Cic.
A celle fin que le malheur, qui avoit accoustumé de revenir tous les ans, continuast tousjours, Vt idem in singulos annos orbis volueretur.
Né de malheur, Natus male volente genio.
Donner grand malheur ou mal'encontre, Calamitate afficere.
Porter malheur, Afferre infortunium.
Ceux qui portent malheur, Inauspicati occursus hominum, Bud. ex Plin.
Portant malheur, Inauspicatus.
Tomber en un grand malheur, Calamitatem subire.
MALHEUR, s. m. MALHEUREûSEMENT, adv. MALHEUREUX, EûSE, [Ma-leur, leu-reû, reû-ze, reû-zeman, et non pas malu-reû, etc. 3e lon. 4e e muet.] Du tems de Malherbe, on écrivait malheureux, et l'on prononçait malur. À~ caûse de cela, ce Poète avait pour maxime de ne point le faire rimer avec douleur: il n'y a manqué que deux fois. Ménage dit qu'on ne doit point faire dificulté d'employer cette rime, ce qui prouve que la prononciation de ce mot avait changé. Aujourd'hui cet avis paraîtrait inutile et même ridicule. Il n'est plus que le peuple de certaines Provinces, qui prononce malur. Voy. HEUREUX.
Malheur, accident, désastre (Synon.) Ces trois mots anoncent et désignent un fâcheux évènement: mais malheur s'aplique particulièrement aux évènemens de fortune et de chôses étrangères à la persone; accident, regarde proprement ce qui arrive dans la persone même; désastre, dit quelque chôse de plus général. "C'est un malheur de perdre son argent; c'est un accident de tomber, d'être blessé, etc. C'est un désastre de se voir tout d'un coup ruiné et déshonoré dans le monde. — On dit, un grand malheur, un cruel accident; et un désastre afreux. GIR. Syn.
On dit, en st. famil. être en malheur, jouer de malheur; et en parlant des chôses, porter malheur. "Vous soutiendrez votre transaction contre Aiguebonne: il est en malheur. SÉV. "Je trouvai hier Choiseul avec son cordon: il est bien. Ce serait jouer de malheur que de n'en pas rencontrer cinq ou six (cordons bleux) tous les jours. La même. = Par malheur, adv. "Il est arrivé par malheur que, etc. = Malheur, interj. Il régit la prép. à. "Malheur aux impies! ou la prép. sur: "Malheur sur eux et sur leurs enfans!
On dit, proverbialement, à quelque chôse malheur est bon: quelquefois une infortune nous procûre des avantages, que nous n'aurions pas sans elle. Malheur est là sans article. — On dit aussi, il arrive malheur, sans le faire précéder de l'article: "L'ouvrage (les Fastes) a été trop lu en société et trop annoncé d'avance. Or, il arrive presque toujours malheur à ces lectûres et à ces anonces précoces. Anon.
Rem. * M. Fallet (dans sa Tragédie de Tibère) dit, le malheur, pour, les malheureux.
Est-il rien, en effet, rien de plus glorieux
Que de tendre au malheur une main secourable,
Que de le soutenir, quand le destin l'accâble.
Peut-on dire que le destin accâble le malheur, demande M. Geoffroi (Ann. Litt.) Soutenir le malheur, pour secourir les malheureux?
MALHEUREUX, 1°. Qui n'est pas heureux, tranquile, content, satisfait. "Les méchans sont malheureux. "Les damnés seront malheureux à jamais. = 2°. Qui manque de ce qui peut rendre l'homme content. "Mener une vie malheureûse. "Être dans un état malheureux. "Il est fort malheureux. = 3°. Qui a du malheur, qui est infortuné. "Malheureux à la guerre, au jeu, dans le comerce. = 4°. En parlant des chôses; qui semble anoncer le malheur. "Avoir la physionomie malheureûse. = On dit au jeu qu'un homme a la main malheureûse, quand celui, qui le dit, ne gâgne point lorsque cet homme done; et hors du jeu, quand cet homme ne réussit point à ce qu'il entreprend. "Il a la main malheureûse; dès qu'il touche à quelque chôse, il le câsse. = 5°. En parlant des persones, mauvais en son genre. "Malheureux Auteur, malheureux Écrivain. En ce sens, il doit toujours précéder le substantif. = Apliqué aux chôses; fort médiocre, insufisant. "Il n'a qu' une malheureûse chambre, un malheureux valet.
Rem. I. On ne doit pas employer indiféremment malheureux et misérable, quoiqu'ils paraissent avoir le même sens. Misérable, semble marquer un état fâcheux, soit que l'on y soit né, soit qu'on y soit tombé Malheureux semble marquer un accident, qui arrive tout-à-coup et qui ruine une fortune naissante ou établie. "On plaint les malheureux; on assiste les misérables. — On dit, également bien, une vie malheureûse, une vie misérable; et de même, c'est un malheureux, c'est un misérable, en parlant d'un méchant homme. Mais on dit, qu'on est malheureux au jeu, on ne dit pas qu'on y est misérable. Le 1er anonce plutôt un accident passager, et le 2d un état plus permanent d'infortune: mais on peut devenir misérable, à force d'être malheureux. = Racine distingue fort bien le sens de ces deux mots. Il fait dire à Aman.
Haï, craint, envié, souvent plus misérable
Que tous les malheureux que mon pouvoir accâble.
Dans le sens de mauvais, on dit d'un Auteur, d'un ouvrage, c'est un Auteur misérable; cela est misérable. Suivant le P. Bouhours on n'emploie point malheureux en cette ocasion. Suivant l'Acad. on peut s'en servir. Voy. n°. 5°.
II. MALHEUREUX, dans son sens le plus comun, peut précéder ou suivre le nom qu'il modifie. Racine, dans Andromaque, dit: un enfant malheureux; dans Athalie, il dit; un malheureux enfant. Celui-ci est plus doux. L. Rac. — Mais malheureux astre, comme dit Rousseau, forme une inversion dûre.
MALHEUREUX, s'emploie souvent en exclamation. "Malheureûse! Je craignois la mort et je n'osois la fuir. Jér. Dél. On sous-entend, que je suis, que vous êtes, qu'il est, etc. = Il précède le verbe:
Perfides courtisans, malheureux est un Roi,
Qui jamais a sur vous fondé son espérance:
Vous êtes moins à lui qu'à sa toute-puissance.
P. Marion, Cromvel.
III. MALHEUREUX, régit de et l' infinitif. "Ne suis-je pas malheureux d'avoir voulu me croire moi-même dans un âge, où l'on n'a ni prévoyance de l'avenir, ni expérience du pâssé. Télém. — Mais ce régime n'est bon que quand le verbe régi se raporte au sujet de la phrâse (au nominatif du verbe régissant) s' il ne s'y raporte pas, il faut mettre que et le subjonctif. "Je suis bien malheureux que vous ne vouliez pas croire ce que je vous dis.
MALHEUREUX, subst. Scélérat. "Ce malheureux, cette malheureûse. "Télémaque reçut avec amitié ce malheureux, qui avoit vu Ulysse en Sicile. Fénélon.
MALHEUREûSEMENT, par malheur. "Il est arrivé malheureûsement que, etc.