MAUDIRE
(mô-di-r') , je maudis, tu maudis, il maudit, nous maudissons, vous maudissez, ils maudissent ; je maudissais ; je maudis, nous maudîmes ; je maudirai ; je maudirais ; maudis, qu'il maudisse, maudissons, maudissez, qu'ils maudissent ; que je maudisse, que tu maudisses, qu'il maudisse, que nous maudissions, que vous maudissiez, qu'ils maudissent ; que je maudisse, que tu maudisses, qu'il maudît, que nous maudissions, etc. ; maudissant ; maudit v. a.1° Prononcer contre quelqu'un, au nom d'un sentiment religieux ou sous l'impulsion de quelque violent mouvement de l'âme, des paroles de réprobation, de condamnation.
Qui maudit son pays renonce à sa famille [CORN., Hor. IV, 6]
Je maudirais les dieux s'ils me rendaient le jour [ID., Rodog. V, 4]
On nous maudit et nous bénissons ; on nous persécute et nous le souffrons [SACI, Bible, St. Paul, 1re épit. aux Corinth. IV, 12]
[David] ne sachant de laquelle de ces deux choses il avait le plus à se plaindre, ou de ce que Siba le nourrissait, ou de ce que Semeï avait l'insolence de le maudire [BOSSUET, Reine d'Anglet.]
S'il est vrai que le peuple me maudit, c'est qu'il ne me connaît pas [MAINTENON, Lett. au card. de Noailles, 14 juillet 1707]
Un prêtre, quel qu'il soit, quelque dieu qui l'inspire, Doit prier pour ses rois, et non pas les maudire [VOLT., Œdipe, III, 4]
Il m'a maudit, il m'a chassé, il ne lui restait plus qu'à se servir de vous pour m'arracher la vie [DIDEROT, Père de famille, II, 9]
On remarque l'adresse avec laquelle s'exprima le premier des ministres sacrés : Je n'ai point maudit Alcibiade, s'il était innocent [BARTHÉL., Anach. ch. 21]
2° Maudire quelqu'un, quelque chose, exprimer son impatience, sa colère, son horreur contre quelqu'un, contre quelque chose.
Vous maudirez peut-être, un jour, cette victoire [CORN., Poly. V, 4]
Je maudis en mille façons, Et la mer et tous les poissons, Vous, le voyage et la galère [SCARR., Virg. VI]
Mais quand j'ai bien maudit et Muses et Phébus [BOILEAU, Sat. II]
Le chevalier le maudissait intérieurement [HAMILT., Gramm. 4]
Elle maudit les cartes qui en sont la cause, elle maudit celui qui les a inventées, elle maudit le tripot et tous ceux qui l'habitent [LE SAGE, Diabl. boit. ch. 3, dans POUGENS]
Sur mes lauriers flétris je répandis des larmes ; Je maudis mes travaux et mon siècle et les arts [VOLT., Lett. en vers et en prose, 72]
L'étranger envahit la France, Et je maudis tous ses succès [BÉRANG., Ma dern. chans.]
Alors, oh ! je maudis dans leur cour, dans leur antre, Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu'au ventre ! [V. HUGO, Feuilles d'automne, XL.]
3° En parlant de Dieu, réprouver, abandonner.
Plein d'une juste horreur pour un Amalécite, Race que notre Dieu de sa bouche a maudite [RAC., Esth. III, 4]
4° Se maudire, v. réfl. Prononcer contre soi-même des malédictions. Il se maudissait de son imprudence.
HISTORIQUE
- XIe s.
Terre major, [que] Mahomet te maldie ! [, Ch. de Rol. CXXIV]
Et Ethiope, une terre maldite [, ib. CXLI]
- XIIe s.
Outre, cuivert ! de Deu soiez maudiz [, Ronc. 63]
Après lui dit : maleois soies-tu [, ib. 90]
Semei le fiz Jera, del parenté Saül, vint d'iloc vers lui, e maldist David [, Rois, p. 178]
Les losengiers, que Diex puist maleïr ! [, Couci, XII]
Dunc ad maudit tuz cels par qui out mal esté Del rei.... [, Th. le mart. 131]
- XIIIe s.
Je maudirai ma male destinée [ANONYME, dans Couci.]
Après vinrent li Wandre, une gent maleïe [, Berte, II]
Moult [ils] maudient celui.... Qui à sa guerison nul conseil metera [, ib. LXXVIII]
En chele chevauchie estoit Quesnes de Biethune, qui moult maudissoit durement cels qui l'avoient là mené [H. DE VALENC., XXVIII]
Quant ele dement son baron [mari] ou maudist, ou quant ele ne veut obeir à ses resnables [raisonnables] commandemens [BEAUMANOIR, LVII, 6]
L'eure soit ore la maudite Que povres homs fu conceüs ! [, la Rose, 458]
- XVe s.
Ce sont maldites gens ; il n'y en a nul qui ne soit larron [FROISS., II, III, 68]
- XVIe s.
Après Barthelemy crioient parmi la ville : Au poultron maledict, et ne fust les archiers.... [J. MAROT, V, 141]
Vous me mauldiriez de vous en avoir privé [MONT., I, 89]
Ils croyent les ames immortelles, et les mauldites estre.... [ID., I, 238]
Cela ressemble proprement à ceste malediction tragique, dont Œdipus mauldit ses enfans [AMYOT, Pyrrh. 18]
Il y [une tapisserie représentant la bataille d'Ivry] faisoit beau voir monsieur le lieutenant maudissant le dernier et laissant le comte d'Egmont pour les gages.... [, Satyre Ménippée, les pièces de tapisserie]
ÉTYMOLOGIE
- Provenç. maldire, maldir, maudire, et malezir, déprécier, mal dire ; espagn. maldecir ; portug. maldizer ; ital. maledire ; du lat. maledicere, de male, mal, dicere, dire. On remarquera que dans le vieux français il y a deux formes maudire et maleïr ; dans la première, mal est devenu mau ; dans la seconde, le d est tombé comme tombent d'ordinaire les consonnes médianes, et il en est résulté maleïr ; c'est de maleïr que vient le participe maleeit ou maleoit, pour maudit.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877