1° Terre réduite en poudre très fine.
Ils jetèrent de la poussière en l'air pour la faire retomber sur leur tête [SACI, Bible, Job, II, 12]
[Le hibou] De ses ailes en l'air secouant la poussière [BOILEAU, Lutr. III]
Quand pourrai-je, au travers d'une noble poussière, Suivre de l'œil un char fuyant dans la carrière ? [RAC., Phèdre, I, 3]
Et mon époux sanglant, traîné sur la poussière [ID., Andr. III, 6]
Enfin, las et couvert de sang et de poussière, Il s'était fait de morts une noble barrière [ID., Mithr. V, 4]
Un nuage de poussière s'élevait jusqu'aux nues [FÉN., Tél. XI]
Étant formés de terre et composés de poussière, nous avons avec la terre et la poussière des rapports communs qui nous lient à la matière en général [BUFF., Hist. anim. I]
Avec de bons yeux, de bons microscopes et un peu de curiosité, le moindre atome, un grain de poussière, un brin d'herbe peuvent devenir des sources intarissables de merveilles [BONNET, 2e lett hist. nat.]
Ainsi périt le dernier des Gracques de la main des patriciens ; mais, atteint du coup mortel, il lança de la poussière vers le ciel, en attestant les dieux vengeurs, et de cette poussière naquit Marius [MIRABEAU, Collection, t. I, p. 50]
Quand secouerai-je la poussière Qui ternit ses nobles couleurs [du drapeau tricolore] ? [BÉRANG., Vieux drapeau.]
Ainsi qu'un voyageur.... Comme lui, de nos pieds secouons la poussière [LAMART., Méd. I, 6]
Fig.Quand tous sont isolés, il n'y a que de la poussière ; quand l'orage arrive, la poussière est de la fange [B. CONSTANT, De la Religion, préf.]
Terme de manége. Battre la poussière, voy. POUDRE. Faire de la poussière, soulever de la poussière.
Tu dirais aux partis qu'ils font trop de poussière Autour de la raison pour qu'on la voie entière [V. HUGO, Crép. 17]
Fig. Faire de la poussière, se dit pour se pavaner, agir avec ostentation.
On retrouve partout la mouche d'Ésope, qui du fond d'un char, dans un chemin sablonneux, s'écriait : Que j'élève de poussière ! [VOLT., Dict. phil. Quisquis, Langleviel.]
Fig. Jeter de la poussière aux yeux, éblouir.
De belles paroles, afin d'éblouir les simples et de jeter de la poussière aux yeux des lecteurs [DE LA ROQUE, dans BOSSUET Déf. trad. comm. II, 30]
Laisser sur la poussière, laisser mort sur un champ de bataille.
Quand on a laissé sur la poussière des milliers d'hommes égorgés, peut-on se livrer à la joie ? [MARMONTEL, Bélis. 8]
Poétiquement. Il s'est couvert, il est couvert d'une noble poussière, se dit d'un homme de guerre qui s'est trouvé dans plusieurs combats.
Poétiquement. Mordre la poussière, être tué.
L'orgueil à qui tu fis mordre La poussière de Coutras [MALH., II, 6]
Nesle, Clermont, d'Angenne ont mordu la poussière [VOLT., Henr. VII]
Fig. Réduire en poussière, anéantir, N'être plus que poussière, être anéanti.
Ont-ils [les princes] rendu l'esprit, ce n'est plus que poussière Que cette majesté si pompeuse et si fière [MALH., I, 3]
Carthage n'est plus rien que poussière et que cendre [MAIR., Mort. d'Asdrub. I, 1]
Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire ? Tout l'univers admirait ta splendeur ; Tu n'es plus que poussière [RAC., Esth. I, 2]
La poussière humaine, la poussière en laquelle les morts sont réduits.
Je vais chercher ailleurs (pardonne, ombre romaine !) Des hommes, et non pas de la poussière humaine [LAMART., Child-Harold, 13]
Fig. La poussière des pieds, la marque du triomphe.
Et de ses pieds [de Napoléon] on peut voir la poussière Empreinte encor sur le bandeau des rois [BÉRANG., Dieu des bonnes gens.]
Fig. Baiser la poussière des pieds, adorer et se soumettre.
Les rois des nations devant toi prosternés De tes pieds baisent la poussière [RAC., Ath III, 7]
Et se peut il qu'un roi craint de la terre entière Devant qui tout fléchit et baise la poussière.... [ID., Esth. II, 7]
Et tantôt à ses pieds courbant sa tête altière, De ses pas adorés il baise la poussière [DELILLE, Par. perdu, IX]
4° Fig. La poussière du greffe, de l'école, du collége, etc. le greffe, l'école, le collége considérés avec un certain mépris.
Dans la poussière même des écoles, il trouva le moyen de satisfaire son zèle en produisant des enfants à Jésus-Christ [FLÉCHIER, Panég. II, 200]
Ses affectations et ses antithèses sentent la poussière de l'école [HUET, De l'orig. des romans, p. 58, dans POUGENS]
L'ouvrage de Silius était demeuré enseveli depuis plusieurs siècles dans la poussière de la bibliothèque de Saint-Gall ; Pogge l'y trouva pendant le concile de Constance [ROLLIN, Hist. anc. XXV, I, 2, § 3]
La poussière des siècles, le temps qui fait oublier.
Des murailles, des colonnes, des statues, des vases sortirent de la poussière des siècles et des ruines de l'ltalie, pour servir de modèle à la régénération des beaux-arts [RAYNAL, Hist. phil. XIX, 12]
5° Fig. État d'abaissement, de malheur.
Réjouis-toi, Sion, et sors de la poussière [RAC., Esth. III, 9]
Tant de citoyens autrefois distingués, aujourd'hui sur la poussière [MASS., Carême, Aum.]
Ces hommes oiseux qui ont toujours mené une vie obscure, lâche, inutile, et déshonoré leur non par l'oisiveté et par des mœurs efféminées qui les ont laissés dans la poussière [ID., Avent, Mort du péch.]
Un corps [politique] qui fasse sans cesse sortir les lois de la poussière où elles seraient ensevelies [MONTESQ., Esp. II, 4]
Regarde un étranger qui meurt dans la poussière [A. CHÉN., le Mendiant.]
Tirer quelqu'un de la poussière, le tirer d'une condition basse et misérable. Dans la poussière, dans la soumission.
Ils peuvent murmurer, mais c'est dans la poussière [VOLT., Sémir. II, 3]