SÉQUESTRER
(sé-kè-stré) v. a.1° Mettre quelque chose en séquestre. On a séquestré ses biens, ses revenus.
Le pape Urbain VIII avait obtenu qu'on séquestrât cette province [la Valteline] entre ses mains, et ne désespérait pas de la garder [VOLT., Mœurs, 176]
2° Mettre à part, mettre de côté.
Il avait séquestré les meilleurs effets pour frauder les héritiers de sa femme [, Dict. de l'Acad.]
Pour ne s'en point servir aux plus rigoureux mois, Dans le fond d'un grenier on séquestra le bois [BOILEAU, Sat. X]
3° Renfermer illégalement une personne.
4° Fig. Écarter, séparer des personnes d'avec quelques autres.
Lorsque Ozias, frappé de la lèpre par un coup manifeste de la main de Dieu, prit la fuite tout hors de lui-même, on entendit bien que la volonté de Dieu était qu'on le séquestrât, selon la loi, de la société du peuple [BOSSUET, 5e avert. 57]
Il étudiait encore en troisième, lorsqu'il lui resta d'une maladie une surdité assez considérable qui le séquestra presque entièrement du commerce des hommes, du moins du commerce inutile [FONTEN., Amontons.]
En le séquestrant tout à fait du commerce des hommes qu'il fuit, quel mal lui fait-on ? [J. J. ROUSS., 1er dial.]
5° Se dit en parlant d'animaux atteints de maladie contagieuse.
6° Se séquestrer,
v. réfl. Se mettre, se tenir loin du commerce des hommes.
Certains saints, Pour mieux vaquer à leurs pieux desseins, Se séquestraient, vivaient comme des anges [LA FONT., Diable.]
Je me suis séquestrée du monde, parce que je me suis aperçue que j'ai assez d'affaires en moi-même [BOSSUET, Vêture d'une postulante bernardine, 3]
Je pris la vie en dégoût et le monde en horreur ; je ne désirais plus que de m'en séquestrer [STAAL, Mém. t. III, p. 117]
HISTORIQUE
- XVIe s.
Ce n'est pas assez de s'estre escarté du peuple ; ce n'est pas assez de changer de place ; il se fault escarter des conditions populaires qui sont en nous ; il se fault sequestrer et r'avoir de soy [MONT., I, 275]
Nous nous preferons aux aultres animaux et nous sequestrons de leur condition et societé [ID., II, 205]
Quant les preuves des possessions sont incertaines,... les choses contentieuses sont sequestrées [LOYSEL, 768]
Et sçauront ceux qui seront pestiferés, et les feront sequestrer [PARÉ, XXIV, 11]
ÉTYMOLOGIE
- Provenç. sequestrar ; espagn. secuestrar ; ital. sequestrare ; du lat. sequestrare, de sequestrum, séquestre.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877