SALIR
(sa-lir) v. a.1° Rendre sale.
La moindre ombre se remarque sur ces vêtements qui n'ont pas encore été salis ; et leur vive blancheur en accuse toutes les taches [BOSSUET, Mar.-Thér.]
Il ne reste plus à l'homme [mourant] que le néant et le péché : pour tout fonds, le néant ; pour toute acquisition, le péché ; le reste, qu'on croyait tenir, échappe, semblable à de l'eau gelée, dont le vif cristal se fond entre les mains qui le serrent et ne fait que les salir [ID., Ann. de Gonz.]
Terme de peinture. Salir une couleur, lui ôter sa vivacité, la rompre avec d'autres plus brunes ou plus grises.
2° Fig. Laisser une tache morale.
Fruit du travail, tout l'argent de la caisse Sans les salir a passé par ses mains [BÉRANG., Écriv. publ.]
Salir le papier, écrire des choses basses, vulgaires.
Vous dites que je ne suis point avec vous, ma bonne ; et pourquoi ? hélas ! qu'il me serait aisé de vous le dire, si je voulais salir mes lettres des raisons qui m'obligent à cette séparation, des misères de ce pays [les Rochers], de ce qu'on m'y doit, de la manière dont on me paye... ! [SÉV., 15 nov. 1684]
Salir la réputation de quelqu'un, y porter atteinte par des discours, des calomnies.
Vos soupçons, Romains, n'ont pas sali ma gloire [LE P. CATROU, dans DESFONTAINES]
Il a sali son blason par cette action, il s'est déshonoré.
3° Souiller par des idées, des images obscènes.
Une pièce qui tient sans cesse la pudeur en alarme, et salit à tout moment l'imagination [MOL., Critique, 3]
Et jamais juge, ordonnant le congrès, De ce burlesque mot n'a sali ses arrêts [BOILEAU, Sat. VIII]
Je sais que d'un conte odieux Vous avez comme moi sali votre mémoire [ID., ib. X]
4° Se salir, v. réfl. Se rendre sale. Prenez garde de vous salir. Devenir sale. Les étoffes blanches se salissent très vite.
5° Fig. Contracter quelque tache morale.
L'importance est que vous ne vous êtes point sali en maniant de sales matières, et que parmi les ordures de la politique votre morale s'est conservée en sa pureté [BALZ., Liv. XII, lett. 21]
Notre sage prince.... qui ne se salit point de la boue des choses terrestres [ID., le Prince, X]
Il s'est sali, se dit d'un homme qui a fait quelque action nuisible à sa réputation.
HISTORIQUE
- XIIIe s.
Sire Dieux, genz mescreanz vinrent en ton eritage, et si salirent li tien saint temple [, Psautier, f° 97]
Et ce ont ordené li preudome par la raison de ce que, quant en porporte tex fuz, il ordisent et salisent [, Liv. des mét. 218]
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877
salir
SALIR, v. act. SALISSANT, ANTE, adj. SALISSON, s. f. SALISSûRE, s. f. [Salir, san, sante, son, sûre: 3e lon. au 2d, 3e et 5e.] Salir, rendre sale. Salissant, qui salit. Salissûre, ordûre, qui demeure sur une chôse salie. "Salir son linge, ses mains, ses habits. "Les étofes blanches se salissent bientôt. "Le drap noir est salissant, quand il est neuf. "Cette couleur est salissante: elle se salit aisément. "Ce n'est pas une tache, ce n'est qu'une salissûre.
REM. Salir se dit quelquefois au figuré, comme dans cette expression, qui est comme consacrée, salir l' imagination, présenter à l'imagination des idées sales et obscènes. Trévoux dit, salir la réputation: on ne le dit plus, on dit, ternir. "Tout ce que les hommes ne trouvent que dans eux-mêmes, est sali, pour ainsi dire, par là même boue, dont ils sont formés, dit Massillon. Cette expression figurée avait besoin de correctif, et peut-être, malgré le correctif, paraitra-t'elle trop vile et trop basse à des gens d'un goût délicat.
* Salir, neut. pour se salir, réciproque, est un gasconisme. "Je porte ces petites manchettes, parce qu'elles ne salissent point. Gasc. Corr.
SALISSON, est un terme populaire. Petite fille mal-propre. "Retirez-vous, petite salisson. "C'est une vraie salisson.
Jean-François Féraud's Dictionaire critique de la langue française © 1787-1788