ADIEU1
(a-dieu, au plur. a-dieû) 1° Loc. adv. dont on se sert par civilité en prenant congé. Dire adieu.
Adieu, j'assiégerai Néron de toutes parts [RAC., Brit. III, 5]
2° Dire adieu signifie quelquefois prendre congé. Il est allé dire adieu à son ami.
Je n'ai pas encore dit adieu à Eucharis [FÉN., Tél. VII]
Elle recevait des visites d'adieu dans les formes [HAMILT., Gramm. 8]
La faculté dit adieu là-dessus [LA FONT., Cont. Abb. mal.]
3° Je ne vous dis pas adieu, ou sans adieu, se dit familièrement à une personne qu'on se propose de revoir bientôt.
4° Adieu vous dis, locution familière et qui vieillit, pour adieu simplement.
Fig.Adieu vous dis, il ne faut plus compter sur.... Mais si dorénavant votre imprudence éclate, Adieu vous dis, mes soins, pour l'espoir qui vous flatte [MOL., l'Étour. II, 1]
Adieu vous dis, qui n'est plus usité en ce sens, est ici une sorte d'adverbe composé.
5° Fig. Dire adieu à quelque chose, y renoncer. Il a dit adieu à la poésie.
Quoi ! votre muse en monstre érige la sagesse ! Vous blâmez ses enfants, et leur crédit vous blesse ! Vous, jeune homme ! au bon sens avez-vous dit adieu ? [GILB., Le XVIIIe siècle]
Que Dorval, à la roulette, à tout son or dise adieu [BÉRANG., Homme rangé]
6° Absolument et figurément, adieu exprime la disparition, la perte.
L'âge la fit déchoir : adieu tous les amants [LA FONT., Fab. VII, 5]
Haranguez de méchants soldats ; Ils promettent de faire rage : Mais, au moindre danger, adieu tout leur courage [ID., ib. IX, 19]
Adieu mes nourrissons, si vous les rencontrez [ID., ib. V, 18]
Adieu notre braverie ! [MOL., Préc. 16]
Puisqu'il n'y a autour de la lune ni vapeurs assez grossières, ni nuages pluvieux, adieu l'arc-en-ciel avec l'aurore [FONTEN., Mondes, 3e soir. Je vais combattre, Agnès l'ordonne.]
Adieu repos ; plaisirs adieu ! [BÉRANG., Charles VII]
ADIEU2
s. m.1° Un dernier adieu. Des adieux touchants. Il faisait ses adieux à ses amis.
Sous une autre couleur, lui faire mes adieux [CORN., Sert. I, 2]
Quel adieu gai nous leur faisions ! [SÉV., 430]
Et je viens donc vous dire un éternel adieu [RAC., Bérén. I, 4]
Pendant que les rois faisaient leurs adieux.... [FÉN., Tél. XI]
Le temps de faire ses derniers adieux à sa famille [ID., ib. XI]
Vous avez entendu son adieu magnanime [VOLT., Œdipe III, 4]
Digne épouse, reçois mes éternels adieux [ID., Orphel. V, 5]
[Ô nature] Quoi donc ! n'aimes-tu pas au moins celui qui t'aime ? N'as-tu pas de pitié pour notre heure suprême ? Ne peux-tu, dans l'instant de nos derniers adieux, D'un nuage de deuil te voiler à mes yeux ? [LAMART., Harold, 42]
2° Fig. Dire un adieu, faire ses adieux, renoncer à.
J'ai dit à vos autels un éternel adieu [ROTROU, St.-Genest, III, 6]
Vous allez dire au monde un adieu éternel [MASS., Prof. 1]
PROVERBE
Adieu paniers, vendanges sont faites, se dit d'une affaire manquée sans ressource, et quelquefois simplement d'une affaire complétement terminée.
SYNONYME
- ADIEU, BONJOUR, BONSOIR, BONNE NUIT. Formules de salutation où l'idée commune est celle d'un souhait de bonheur. Adieu se dit quand on prend congé ; bonjour, quand on se rencontre ; bonsoir, quand on prend congé le soir ; bonne nuit, quand on quitte quelqu'un qui va se coucher. En certaines provinces on emploie mal le mot adieu : ainsi l'on dit : Adieu, comment vous portez-vous ? Dites : Bonjour, comment vous portez-vous ? Adieu doit se réserver pour le départ.
HISTORIQUE
- XIIIe s.
Sire, dit-elle, adieu ! Saluez moi, mon frere [, Berte, IV]
- XVe s.
C'est bien desiré quant on rechappe, Sans desbourser pas ung denier, Et dire adieu au tavernier En torchant son nez à la nappe [VILLON, la Repue franche du souffreteux.]
Il se conforte des gracieuses paroles qu'il avoit eu au dire-adieu et de l'espoir qu'elle lui avoit baillé [LOUIS XI, Nouv. 48]
Je vous baille le grand congé et vous dis le grand adieu ; velà l'huis, prenez ce chemin [ID., ib. 68]
- XVIe s.
Ils estoyent venus sans convey [invitation] ; aussi se sont ils retirez sans dire adieu [CARL., IV, 26]
ÉTYMOLOGIE
- À et Dieu, c'est-à-dire je vous recommande à Dieu ; picard, adé ; bourguig. aidieu, aidey ; provenç. a dieu ; espagn. adios ; ital. addio.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877
adieu
ADIEU, s. m. et interj. [A dieu, il n' est que de deux syll. même en vers.] Terme de civilité et d'amitié dont on se sert en prenant congé les uns des autres. Interj. "Adieu Monsieur, adieu, je m'en vais. — s. m. Un adieu éternel, de tendres adieux. [Au pl. ieû est long.] Les Gascons disent adieu, en abordant une persone. On doit dire bon jour. Adieu ne doit se dire que quand on se sépare. Desg. — Dire adieu, au propre, prendre congé. Il régit le datif: (la prép. à) C'est une triste cérémonie de dire adieu à ses amis, quand on les quitte pour long-temps. = Au figuré, renoncer: "Il a dit adieu au monde, aux muses, aux plaisirs. — On dit aussi au propre, faire ses adieux à... L'Acad. ne le met point. — Mais, dit-on, à son adieu, pour dire, en prenant congé, ou quand il prit congé? À~ son adieu Henri lui dit ces paroles remarquables, etc. — Je ne sais si ce mot est de la Baumelle ou de d'Aubigné, dont il parle, mais je ne le crois pas conforme à l'usage actuel.
Outre la signification ordinaire de ce mot, on l'emploie dans le sens de, c'est fait de... c'est le conclamatum est des Latins. "Si l'on exige cela, adieu la réunion; c. à. d. elle n'aura pas lieu. Les taches de notre soleil peuvent s'épaissir.... s'accrocher les unes aux autres: ensuite elles iront jusqu'à former autour du soleil une croûte qui augmentera toujours; et adieu le Soleil. Fonten. c. à. d. il n'y aura plus de soleil. — On dit en ce sens proverbialement, adieu panier, vendanges sont faites, ce qui se dit d'une persone ou d'une chôse dont on n'a plus besoin, ou des espérances quand elles sont détruites sans ressource. "Adieu ma bouteille, adieu la voiture, etc.
* Rem. Quand on sépare à de Dieu, cela fait un autre sens, à Dieu l'honneur, c. à. d. gloire à Dieu. C'est une devise que certaine femme de vertu problématique avait prise; ce qui donna lieu aux rieurs de lire, comme s'il y avait: Adieu l'honeur; c. à. d. il n'y a plus d'honeur. La Monn.
Jean-François Féraud's Dictionaire critique de la langue française © 1787-1788