DISTINCTION
(di-stin-ksion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.1° Action de distinguer.
Il fait transporter les blessés sans distinction de Français ou d'ennemis [MASS., Or. fun. Conty.]
Tu sais trop la distinction des péchés véniels d'avec les mortels [BOSSUET, Marie-Thér.]
Si vous savez faire la distinction de l'état des uns et des autres [ID., Anges.]
Dans la guerre la distinction entre le héros et le grand homme est délicate [LA BRUY., II]
Vous me trouverez sur les livres de Platon, qui traitent de la spiritualité de l'âme, de la distinction d'avec le corps, ou la plume à la main pour calculer les distances de Saturne et de Jupiter [ID., VI]
D'où est venue dans l'Église cette distinction de ceux qui sont du monde d'avec ceux qui n'en sont pas ? [MASS., Car. Samar.]
Si l'Évangile avait des distinctions à faire.... [ID., ib. Immut.]
L'universalité, jointe à l'éminence des vertus guerrières, était le caractère de distinction de l'invincible Condé [BOUHOURS, Nouv. rem.]
Rien n'y manque que l'intelligence et le pinceau de Rubens, la magie de l'art, la distinction des plans [DIDER., Salon de 1767, Œuvres, t. XV, p. 40, dans POUGENS]
La distinction du bien et du mal, connaissance morale de ce qui est bon et de ce qui est mauvais.
2° Terme de logique. Explication des sens divers d'une proposition. Par le moyen d'une distinction, il échappera à la difficulté qu'on lui fait.
Vous n'avez pu désavouer cela, mais vous y faites une distinction [PASC., Prov. 18]
On a vu un semblable succès de l'opinion de tuer pour des médisances ; car elle est aujourd'hui arrivée à une permission pareille sans aucune distinction [ID., ib. 13]
Que d'inutiles questions, Que de distinctions frivoles ! [CHAUL., Contre l'esprit.]
Les distinctions du dialecticien sont utiles dans le cours de la vie [DIDER., Opin. des anc. phil. (pyrrhonisme phil.)]
. Entre le conseil, l'approbation et le silence, n'est-il point de distinction à faire ? [ID., Règne de Claude et Nér. I, § 76]
Terme de droit canonique. Titre contenant plusieurs questions.
3° Ce qui établit une préférence, une prérogative. La distinction des rangs. Traiter quelqu'un avec distinction. Les distinctions qui plaisent à ceux qui les reçoivent offensent les autres, Trévoux.
De quelque superbe distinction que se flattent les hommes, ils ont tous une même origine, et cette origine est petite [BOSSUET, Duch. d'Orl.]
Il y avait entre eux des distinctions extérieures qui empêchaient qu'on ne prît la femme du praticien pour celle du magistrat et le roturier ou le simple valet pour le gentilhomme [LA BRUY., VII]
Il n'y a que les distinctions qui affligent dans les communautés, parce qu'elles humilient [MAINTENON, Lett. Mme Glapion, 31 mars 1700]
C'était une grande distinction, lorsque quelqu'un pouvait avoir le bonheur d'entretenir un moment Pythagore [FÉN., Pyth.]
Toutes les petites distinctions furent pour lui [VOLT., Zadig, 10]
Content de son sort, il ne désirait ni fortune ni distinctions ; et il n'en avait point obtenu, parce qu'il est plus commode de les accorder à ceux qui les demandent qu'à ceux qui savent les mériter [CONDORCET, d'Alembert.]
Un officier de distinction, officier remarqué pour son mérite. Un personnage de distinction, personnage d'un rang élevé. Emploi, charge de distinction, emploi important, honorable. En un sens ironique et défavorable.
À quelles marques peut-on ici vous reconnaître, qu'à des distinctions de crime et d'ignominie ? [MASS., Car. Passion.]
4° Ce qui, dans la tenue, a un caractère d'élégance, de noblesse et de bon ton. Avoir de la distinction, un air de distinction. La distinction des manières. Ce sens paraît être récent ; car on ne le trouve pas dans les auteurs anciens.
HISTORIQUE
- XIIe s.
E mustrad [et il montra] le ordenement e les destinctiuns des pruveires [prêtres] e des diacnes e des ordenez [, Rois, 244]
- XIVe s.
Et sont moult de gens qui glorifient et honorent indifferentement sans distinttion et les bons et les malvès [ORESME, Eth. 122]
- XVe s.
Ay je dit en mon prologue, que je traicteray de noblece de courage, chevalerie et sagece, en distinction de trois parties [CHRIST. DE PISAN, Charles V, I, ch. 3]
- XVIe s.
Il faut lors observer l'autre distinction entre les crimes et fautes plus legieres [CALV., Instit. 989]
Sans distinction de parenté [sans regarder à la parenté] [MONT., I, 114]
Le philosophe Antisthene ostoit toute distinction entre leur vertu [des femmes] et la nostre [ID., III, 388]
Au paravant les chevaliers romains seoient pesle mesle parmy le menu peuple ainsi que chascun se rencontroit, et le premier qui y meit distinction fut M. Otho [AMYOT, Cicéron, 16]
ÉTYMOLOGIE
- Provenç. distinctio, distinzion ; espagn. distincion ; ital. distinzione ; du latin distinctionem, de distinctum, supin de distinguere, distinguer.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877