FOUDROYER
(fou-dro-ié ; d'autres disent foudroi-ié) , je foudroyais, nous foudroyions, vous foudroyiez ; que je foudroie, que nous foudroyions, que vous foudroyiez ; pour le reste, l'y se change en i devant l'e muet v. a.1° Frapper de la foudre.
Après que, dans l'ardeur d'une juste vengeance, Son bras [de Jupiter] eut des Titans foudroyé l'insolence [BRÉBEUF, Pharsale, I]
Il [Orphée] fut foudroyé par Jupiter, comme la plupart des héros des temps fabuleux [DIDER., Opin. des anc. phil. (Grecs).]
Quant à Jupin, je viens d'apprendre Qu'il a foudroyé deux pigeons [BÉRANG., Bluets.]
Que le ciel me foudroie, sorte d'affirmation, de serment dans le style élevé.
Je vous aime, Émilie, et le ciel me foudroie Si cette passion ne fait toute ma joie [CORN., Cinna, III, 4]
Mais que plutôt le ciel à tes yeux me foudroie Qu'à des pensers si bas je puisse consentir [ID., Poly. III, 5]
2° Battre, renverser à coups de canon. Foudroyer une ville, un bastion. Frapper avec une arme à feu quelconque.
Au bord de quelque bois sur un arbre je grimpe, Et, nouveau Jupiter, du haut de cet olympe, Je foudroie à discrétion Un lapin qui n'y pensait guère [LA FONT., Fabl. X, 15]
Inutilement on les foudroyait du haut du parapet, sans qu'ils pussent se défendre [RAYNAL, Hist. phil. XVI, 21]
3° Frapper, renverser comme avec la foudre.
Quand mon bras de Milan foudroyait les murailles [CORN., Perthar. I, 4]
Du creux de leur tombeau sortira cette voix qui foudroie toutes les grandeurs : vous êtes devenu semblable à nous [BOSSUET, Duch. d'Orl.]
On sait que Louis foudroie les villes plutôt qu'il ne les assiége, et tout est ouvert à sa puissance [ID., Mar.-Thér.]
D'une main il foudroyait les Amalécites [FLÉCH., Tur.]
Bruxelle attend le coup qui la doit foudroyer [BOILEAU, Lutr. IV]
C'est lui [Mardochée] qui, devant moi refusant de ployer, Les [les Juifs] a livrés au bras qui les va foudroyer [RAC., Esth. II, 1]
Mahomet vous protége ; et son juste courroux, Prêt à tout foudroyer, peut s'arrêter par vous [VOLT., Fanat. IV, 6]
4° Fig. Interdire, étonner comme avec la foudre.
Ah ! sire, répondit Mme de Maintenon, elle serait foudroyée d'un seul de vos regards [GENLIS, Mme de Maintenon, t. II, p. 217, dans POUGENS]
5° Terrasser, confondre.
C'est l'anathème dont il fut foudroyé [PATRU, Plaidoyer 8, dans RICHELET]
La Rappinière fut foudroyé de ce discours, à quoi il ne s'attendait pas [SCARR., Rom. com. II, 15]
C'était là que Dieu l'attendait pour foudroyer son orgueil [BOSSUET, Hist. II, 4]
Combattre avec véhémence, frapper de réprobation.
C'est là [dans ses Essais] qu'il [Montaigne] foudroie l'impiété horrible de ceux qui osent dire que Dieu n'est point [PASC., Entretien avec Saci.]
L'Église ne foudroie pas toujours les erreurs naissantes [BOSSUET, Variat. 15]
Il y a mille choses que le prédicateur foudroie tous les jours en chaire [MASS., Mystères, Visit.]
Je pouvais suivre mon ancienne maxime, d'honorer l'auteur titulaire et de foudroyer l'ouvrage [J. J. ROUSS., Conf. XI]
6° V. n. Se dit de la foudre qui éclate.
Ô toi [Jupiter] qui grêles, qui tonnes et qui foudroies sur les impies [D'ABLANC., Lucien, Timon.]
Absolument.
Tu jettes leur orgueil et leur nom [des méchants] dans la poudre, Et ton doigt les éteint comme il éteint la foudre Quand elle a foudroyé [LAMART., Harm. IV, 12]
Fig. Éclater en reproches.
D'abord de part et d'autre on vous attend sans bruit ; Un jour se passe, deux, trois, quatre, cinq, six, huit ; Enfin, n'espérant plus, on éclate, on foudroie [CORN., Suite du Ment. I, 1]
Fig. Avoir l'éclat et la force de la foudre, en parlant d'un orateur, d'un poëte.
C'est le foudre qui a tiré le monde de sa léthargie : ce n'était pas Luther qui parlait, c'était Dieu qui foudroyait par sa bouche [discours des protestants] [BOSSUET, Var. I, § 6]
Au milieu de leur plus grande violence [Pindare et Sophocle], durant qu'ils tonnent et qu'ils foudroient, pour ainsi dire, souvent leur ardeur vient mal à propos à s'éteindre, et ils tombent malheureusement [BOILEAU, Longin, Sublime, XXVII]
7° Terme de métier. On dit que la cuve foudroie lorsque la violence des matières mises en fermentation cause des accidents, comme dans la préparation de l'indigo.
HISTORIQUE
- XIIe s.
La splendur de la tue fuildrante hanste [, Liber psalm. p. 240]
- XIIIe s.
Foudroie esclarcissement [coruscationem], et les departiras ; met hors tes sajetes, et si les trobleras [, Psautier, f° 173]
Li diex cuideroient, espoir, Que j'assaillisse paradis, Cum firent les geans jadis : S'en pourroie estre foldriez [, la Rose, 5449]
.... Qui se vint guerroier Mes anemis et fouldroier, Pour leur tres grant orgueil abatre [J. DE MEUNG, Tr. 779]
- XVe s.
Et en cheminant et allant, ils [les serfs révoltés] abattoient et foudroyoient, ainsi que une tempeste, maisons de avocats et de procureurs de la cour du roi et de l'archevesque [FROISS., II, II, 108]
Tempest du ciel, toute male aventure Descende là, tant que tout se foudroie [EUST. DESCH., Poésies mss. f° 208, dans LACURNE]
- XVIe s.
Dieu nous tient là enserrez, comme s'il devoit foudroyer sur nos testes [CALV., Instit. 416]
Le dixseptiesme jour, après avoir foudroié deux heures, pendant que les armées se mettoient en bataille, tout donne à l'assaut d'un temps [D'AUB., Hist. II, 203]
Ilz marcherent droit à luy d'une grande fureur, comme si d'arrivée ilz eussent deu foudroyer tout [AMYOT, Marcell. 7]
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877