MOISSONNER
(moi-so-né) v. a.1° Récolter par moisson. Moissonner les froments, les orges, les avoines. Moissonner un champ, faire la moisson des grains qu'il a produits. Fig. Dans la Bible, celui qui sème le vent moissonnera la tempête, c'est-à-dire celui qui veut exciter des troubles sera lui-même victime de troubles plus grands encore. Absolument. Moissonner, faire la récolte. On a moissonné. Fig. Comme tu sèmeras, tu moissonneras, c'est-à-dire comme tu feras, tu seras récompensé.
2° Fig. Dans le langage élevé et poétique, moissonner des palmes, des lauriers, avoir de nombreux succès, remporter de grandes victoires.
3° Fig. et absolument. Recueillir, obtenir des choses comparées à une moisson.
Dans le champ du public largement ils moissonnent [CORN., Cinna, II, 1]
Je sais combien le champ où vous moissonnez est riche, et je connais le moissonneur [BONNET, Lett. div. Œuv. t. XII, p. 342, dans POUGENS]
L'indigence glane chez d'autres, Mais elle moissonnait chez lui [un riche] [BÉRANG., Étoiles qui filent.]
En un sens défavorable, recueillir du mal.
Si vous semez dans la corruption, vous moissonnerez dans la corruption [MASS., Avent, Délai.]
4° Fig. Détruire, faire périr.
La parque.... a-t-elle moissonné l'espoir de sa famille ? [BOILEAU, Sat. X]
Le fer moissonna tout [RAC., Phèdre, II, 1]
Il moissonne par le fer ce qui a échappé au feu [FÉN., Tél. XVI]
Nous avons vu la faim et la mort moissonner nos citoyens [MASS., Avent, Disp. à la comm.]
Que d'accidents peuvent moissonner l'espérance d'une plus longue vie ! [ID., Carême, Temps.]
Absolument.
Et si la mort toujours moissonne, [Amour] Ne te lasse pas de semer [BÉRANG., Prière d'un épicurien.]
HISTORIQUE
- XIIIe s.
Après pentecoste en esté, Et après qu'on a moissonné [, Unicorne et Serpent]
Quant vanra [viendra] au paier, comment paiera l'arme [l'âme], Quant li cors selon Dieu ne moissone ne same [sème] ? [RUTEB., 146]
Quand il deivent messonner ou vendengier [RUTEB., II, 458]
- XVe s.
Le duc de Berry n'a nully espargné, ni povre, ni riche, et a tout messonné et cueilli devant lui [FROISS., III, IV, 4]
- XVIe s.
Helas ! tu es venu trop tard, et un autre a moissonné ton esperance [YVER, p. 633]
Aimon, moissonnon nos desirs, Passon l'amour de veine en veine [RONS., 566]
Avec le temps l'on moissonne [COTGRAVE, ]
ÉTYMOLOGIE
- Moisson ; wallon, mèhener, glaner ; namur. mèchener ; Hainaut, mes'ner, muchener ; bourguig. moissenai.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877