aigu, uë
AIGU, UË
(è-gu, gue) adj.1° Terminé en pointe ou en tranchant. Javelot, fer, bâton aigu. Feuilles aiguës.
2° En parlant de la voix et des sons, clair, perçant. Un sifflement aigu. Substantivement.
Le désordre est dans ses chants [du rossignol], il saute du grave à l'aigu [CHATEAUB., Génie, I, V, 5]
3° Fig. Violent, excessif. Souffrance, colique aiguë.
Avec des peines si aiguës dans le corps [BOSSUET, Lett. abb. 51]
4° Fig. Qui pique. Épigramme aiguë.
Il n'y a pas longtemps qu'ils [les prédicateurs] avaient des chutes et des transitions si ingénieuses, quelquefois même si vives et si aiguës, qu'elles pouvaient passer pour épigrammes [LA BRUY., 15]
On y associe [dans la conversation] les maximes et les saillies, la satire aiguë, l'adroite flatterie et la morale austère [J. J. ROUSSEAU, Hél. II, 14]
5° En termes de médecine, affection, maladie aiguë, rapide dans sa marche et son développement.
6° En termes de grammaire française, accent aigu ['], accent qui se met sur l'é fermé.
7° En termes de grammaire grecque et latine, accent aigu, accent qui indique l'intensité de la voix sur la syllabe qui le porte.
8° En termes de géométrie, angle aigu, angle qui est moins ouvert que l'angle droit. Il se place toujours après le substantif : Un fer aigu ; une maladie aiguë.
HISTORIQUE
- XIe s. [Il] broche le bien des aguz esperons [, Ch. de Rol. CXVII]
- XIIe s. Un haume agu lui lacent por amor [, Ronc. p. 54]
- XIIIe s. Mainte ronce y trouvai et mainte espine ague [, Berte, LII]Ele [la flèche] iert ague por percier, Et trenchans cum rasoir d'acier [, la Rose, 1855]
- XIVe s. Les fors es operacions et faiz perilleux sont acus et aspres, constans et perseverans [ORESME, Eth. 82]Et celui qui jouxte d'une lance ferrée et acue et quide qu'elle soit sans fer et ronde au bout devant [ORESME, ib. 62]
- XVe s. Adont les voulentez agues et sensuelles sont alumées et avivées [CHRIST. DE PISAN, Charles V, I, ch. 9]Aumousniere de vieulx naveaulx, Gardianne de vieulx drappeaulx, Le dos esgu comme une hotte [COQUILL., Enquête de la Simple.]Entrementes que j'avoie, Dieu merci ! engin clair et aigu pour concevoir tous les faits [FROISS., II, III, 1]Dieu sait qu'il fut servi d'une chere bien rechinée et d'un agu et enflambé visage [LOUIS XI, Nouv. 1]
- XVIe s. Estans poussez d'un appetit pervers d'estre reputez pour gens aigus, ils ont disputé si.... [CALV., Instit. 357]C'est un amusement d'esprits aigus et oysifs [MONT., I, 47]Plus nostre sagesse est aigue et vifve, plus.... [ID., I, 132]Une subtilité aigue et relevée [dans la poésie] [ID., I, 261]Tourmenté d'une maladie aigue et douloureuse [ID., I, 304]Aulcuns ont l'ouie plus aigue que nous [ID., II, 369]Ces espines domestiques nous mordent plus aigu [ID., IV, 71]Ils accoustumoient les enfans par un long silence à estre briefs et aguz en leurs responses [AMYOT, Lyc. 39]De là vient que les responses laconienes estoient si aigues et subtiles [ID., ib.]Or est ce une beste qui a naturellement le sens de l'ouye fort aigu [ID., Cam. 47]Il fut atteint de la peste, non pas si violente ni si aigue que les autres, ains foible et lente [ID., Péricl. 72]D'autant est le vin meilleur, d'autant aussi en est le vinaigre plus fort et aigu [PARÉ, VIII, 52]
ÉTYMOLOGIE
- Picard, agu ; provenç. agut ; catal. agud ; espagn. agudo ; ital. acuto ; de acutus, de acuere, aiguiser, d'où acus, aiguille (voy. AIGUILLE).
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
- AIGU. Ajoutez :
9° Armes aiguës, armes de main, présentant une ou plusieurs pointes ; elles comprennent les armes d'estoc, les armes d'estoc et de taille et les armes d'hast.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877