gaillard, arde
GAILLARD, ARDE1
(ga-llar, llar-d', ll mouillées, et non ga-yar) adj.1° Qui a un caractère de vaillance et de hardiesse. Le coup est gaillard.
Et l'on m'a vu pousser dans le monde une affaire D'une assez vigoureuse et gaillarde manière [MOL., Mis. III, 1]
2° Plein d'allégresse et de vivacité.
Cette fille est jolie, elle a l'esprit gaillard [CORN., Suite du Ment. I, 3]
Nos gaillards pèlerins.... Au gué d'une rivière à la fin arrivèrent [LA FONT., Fabl. II, 10]
Dit avec un ton de rieur Le gaillard savetier [ID., ib. II, 8]
Las ! pour un trépassé vous êtes bien gaillard ! [MOL., l'Ét. II, 5]
Tout cela me fit gaillarde [SÉV., 330]
L'armée s'en retourna au camp aussi triste qu'elle en était partie gaillarde [SAINT-SIMON, 23, 8]
Approchez son fauteuil, monsieur de la Vallée, et tenez-vous gaillard ; soupons : mettez-vous là, petite fille [MARIVAUX, Pays. parv. 3e part.]
Il se dit aussi des choses. Une humeur gaillarde. Une mine gaillarde. On parle d'une comédie d'Esther qui sera représentée à Saint-Cyr, le carnaval ne prend pas le train d'être gaillard [SÉV., 501]
3° Évaporé. Il est un peu gaillard. Sens qui a vieilli.
4° Qui est légèrement pris de vin. Il sortit de ce repas un peu gaillard.
5° Il se dit des discours, des actes un peu libres.
Mme de Sévigné chante, elle danse, et a l'esprit fort vif et agréable ; elle est brusque et ne se peut tenir de dire ce qu'elle croit joli, quoique assez souvent ce soient des choses un peu gaillardes [TALLEMANT DES RÉAUX, dans le Dict. de DOCHEZ.]
Et vous la belle au dessein si gaillard [LA FONT., Gag.]
Bon voici de nouveau quelque conte gaillard, Et ce sera de quoi mettre sur mes tablettes [MOL., Éc. des femmes, I, 6]
Quoique cette aventure fût assez gaillarde [HAMILT., Gramm. 9]
Il faut que je vous rapporte un trait de cette bonne duchesse ; vous le trouverez un peu gaillard pour une dévote [LESAGE, Diable boit. ch. 12]
Ce sont des poésies gaillardes qu'il a composées dans sa jeunesse [ID., ib. ch. 10]
Au lieu de fades épigrammes Qu'il aiguise un propos gaillard [BÉRANG., Désaugiers]
6° Sain, dispos.
Que fait-il à présent ? est-il toujours gaillard ? [MOL., Éc. des femmes, I, 6]
Que le moi que voici, chargé de lassitude, A trouvé l'autre moi frais, gaillard et dispos, Et n'ayant d'autre inquiétude Que de battre et casser les os [ID., Amph. II, 1]
Le plaisir que vous aurez d'avoir une femme et un enfant gais et gaillards [SÉV., 4]
Il reçoit deux coups dans son chapeau et revient gaillard [ID., 152]
Alors, m'étant réveillé, je me levai frais et gaillard, et m'habillai à la hâte pour rejoindre ma sœur [LESAGE, Estev. Gonzal. ch. 54]
Terme d'horticulture. Se dit d'un arbre, d'une plante qui se porte bien. 7° Vent gaillard, air gaillard, vent, air qui est un peu froid. Aujourd'hui le temps est gaillard.
8° S. m. Un gaillard, un homme vigoureux, dispos, décidé.
Voyez un peu le gaillard ; il n'y aurait qu'à le laisser faire, il ferait les plus belles choses du monde [HAUTEROCHE, Crispin méd. II, 2]
Nous autres du barreau, nous sommes des gaillards [REGNARD, le Bal, 8]
Comme vous prenez feu d'abord ! vous m'avez l'air d'un gaillard [COLLÉ, Part. de chasse, II, 11]
Au féminin, une gaillarde se dit d'une femme peu scrupuleuse, trop libre. C'est une gaillarde qui fait mille plaisanteries de cette nature pour égayer son veuvage [REGNARD, Attendez-moi sous l'orme, 7]
SYNONYME
- PROPOS GAIS, PROPOS GAILLARDS. En ce sens restreint, les propos gais, les contes gais sont un peu libres ; les propos gaillards, les contes gaillards le sont davantage. Les premiers ont, dans leur licence, quelque chose qui excite la gaieté ; les seconds ont, dans leur licence, quelque chose de hardi qui semble braver l'honnêteté.
HISTORIQUE
- XIe s. Cors [ils] ont gaillarz et fieres contenances [, Ch. de Rol. CCXXIII]
- XIIe s. Herupois sont prudhome, orgueilleus et gaillart [, Sax. XI]
- XIIIe s. En chapeaus par grant revel Est la queue Renard mise ; Chascun se porte gaillard De la queue de Renard, Queue de Renard. Icil portiers fu moult gaillars, Et si fu il moult bien musars [car il se laissa tromper] [, Fl. et Bl. 1929]
- XIVe s. Telles dames ont le corps tant gallart [si sain, si bien portant], que, se elles avoient en leur ventre deux ou trois enfans, moult bien les nourriroient [, Pratique de Bernard de Gordon, VII, 26]
- XVe s. ....Et si y estoit.... la regente sœur au duc Phelipe, laquelle estoit pour le temps tenue pour la plus gaillarde de toutes autres dames [FENIN, 1424]Elle [l'eau] rend l'homme etique et pale et morfondu ; Mais toi [vin], tu rends gaillarde et saine la personne [BASSELIN, VIII]Une chose avoient-ils bonne, c'estoit une gaillarde compagnie pleine de jeunes gentilshommes [COMM., VII, Prologue.]
- XVIe s. Je voys tenter du guaillard pechié de luxure les nobles nonnains [RAB., Pant. IV, 45]Cette volupté [de la vertu], pour estre plus gaillarde, nerveuse, robuste, virile, n'en est que plus.... [MONT., I, 69]Les soldats firent leurs salves belles et gaillardes en l'honneur des assistants [ID., I, 136]D'appeller les mains ennemies, c'est un conseil un peu gaillard [hardi] [ID., I, 138]Quelques passages trop gaillards [libres] [DESPER., Contes, I]Il leur dit : donnez devant au galop gaillard [D'AUB., Hist. II, 192]On dit que gaillard et gaillardise viennent a gallica audacia, et que ceux sont appellez gaillards qui courageusement entreprennent quelque chose, tant aventureuse soit elle [BOUCHET, Serées, III, p. 498, dans LACURNE]Pour dire honnestement : il tient du fol, on dit : il a le cerveau gaillard, ou il a le cerveau un peu gaillard [H. EST., Apol. d'Hérod, p. 20, dans LACURNE]Ouvrier gaillard cele son art. [COTGRAVE, ]
ÉTYMOLOGIE
- Prov. gaillart, galhart, gallart ; catal. gallard ; esp. gallardo ; port. galhardo ; ital. gagliardo. On ne peut guère le tirer de gai, parce qu'il faudrait admettre l'interposition d'un suffixe ill : gai-ill-art. Diez ne voit aucune difficulté de forme à le rattacher à l'anglo-saxon gagol, geagle, pétulant, audacieux ; mais il incline davantage à y voir un radical celtique : kimry, gall, force ; anc. gaél. galach, courage.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877