honteux, euse
HONTEUX, EUSE
(hon-teû, teû-z') adj.1° Qui cause de la honte, de l'ignominie.
Cessez d'appréhender de voir rougir mes mains Du poids honteux des fers, ou du sang des Romains [CORN., Hor. I, 4]
Ton épée est à moi, mais tu serais trop vain Si ce honteux trophée avait chargé ma main [ID., Cid, I, 3]
À ces honteux moyens gardez de recourir [ID., Rodog. III, 2]
J'ai cru honteux d'aimer quand on n'est plus aimable [ID., Sertor. IV, 2]
Pour écouter jamais une offre si honteuse [RAC., Alex. I, 1]
Seul d'un honteux affront votre frère blessé A-t-il droit de venger son amour offensé ? [ID., Iph. IV, 6]
Continuez, brûlez d'une honteuse flamme [ID., Mithr. III, 5]
Et cet aveu honteux où vous m'avez forcée [ID., ib. IV, 4]
Je te laisse trop voir mes honteuses douleurs [ID., Phèdre, I, 3]
Nul moyen de vaincre ne paraissait honteux à Philippe : jamais Alexandre ne songea à employer la trahison [ROLLIN, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 608, dans POUGENS]
Garde-toi de penser.... Que d'un maître absolu la superbe tendresse M'offre l'honneur honteux du rang de sa maîtresse [VOLT., Zaïre, I, 1]
Ce n'est pas qu'à mon âge, aux portes de ma vie, Je porte à Mahomet une honteuse envie [ID., Fanat. I, 1]
La mort la plus honteuse est ce qu'on te prépare [ID., Orphel. V, 5]
Être honteux à, causer de la honte à. Toute excuse est honteuse aux esprits généreux [CORN., Cid, III, 3]
De sorte que, par une pure fiction, il leur [aux atomes] donne en même temps un léger mouvement de déclinaison, dont il [Épicure] n'allègue aucune raison ; ce qui est honteux à un physicien [ROLLIN, Hist. anc. t. XIII, liv. XXVI, ch. 3, art. 2, § 2]
Il est honteux que, avec le subjonctif. Il est honteux qu'une pareille loi ne soit pas encore abrogée. Digne d'ignominie, en parlant des personnes. De nos honteux soldats les phalanges errantes à genoux ont jeté leurs armes impuissantes [VOLT., Orphel. I, 3]
2° Qui a de la honte, de la confusion.
Mais de cette faiblesse un grand cœur est honteux [CORN., Hor. I, 1]
Il lui fallut à jeun retourner au logis, Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris [LA FONT., Fabl. I, 18]
Le corbeau honteux et confus Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus [ID., ib. I, 2]
...J'aurais honte à la prendre [une bague]. - Pauvre honteuse, prends sans davantage attendre [MOL., Dépit amour. I, 2]
L'âme, honteuse de sa servitude, vient à considérer pourquoi elle est née [BOSSUET, la Vallière.]
Honteux de rabaisser par cet indigne usage Les héros dont encore elles [les aigles romaines] portent l'image [RAC., Brit. IV, 2]
Qui, moi, j'aurais voulu, honteuse, méprisée, D'un peuple qui me hait soutenir la risée ? [ID., Bérén. IV, 5]
Honteux de n'être encor fameux que par ses charmes, Avide de la gloire, il volait aux alarmes [VOLT., Henr. VIII]
Honteux de soi-même, qui éprouve de la confusion pour quelque action qu'il a faite. Et je demeure confus et honteux de moi-même après avoir parlé [VOLT., Hist. d'un bon bramin.]
Familièrement. N'êtes-vous pas honteux ? se dit à quelqu'un qui a commis un acte répréhensible, un acte de faiblesse, etc. 3° Qui éprouve facilement le sentiment de la confusion.
L'amour est avec vous, et cet enfant honteux N'aime pas les témoins et se tait devant eux [ROTR., Herc. m. I, 5]
Il faut que les jeunes gens qui entrent dans le monde soient honteux ou étourdis ; un air capable et composé se tourne d'ordinaire en impertinence [LA ROCHEF., Max. 495]
Ne sois donc pas si honteuse, Annette, redresse-toi [FAVART, Annette et Lubin, sc. 10]
Naturellement honteux, décontenancé, n'ayant jamais vu le monde [J. J. ROUSS., Confess. II]
Allons, mademoiselle, une contenance agréable, modeste, ne soyez pas honteuse et timide, et sachez parler à propos [PICARD, Petite ville, III, 8]
Fig.Le Nil qui meurt si vain et qui naît si honteux [ROTR., Bélis. V, 5]
Pauvres honteux, les pauvres qui n'osent faire connaître publiquement leur misère. Et vous, pauvres, quelque nom que vous portiez, pauvres connus, pauvres honteux, malades, impotents, estropiés [BOSSUET, Mar.-Thér.]
Mme de Pontchartrain était toujours en quête de pauvres honteux, de gentilshommes et de demoiselles dans le besoin [SAINT-SIMON, 69, 124]
Par extension, honteux se dit de celui qui n'ose avouer publiquement une opinion qu'il approuve secrètement. Si vous le présentez à quelqu'un de nos sociniens honteux, gardez-vous bien de prononcer mon nom [D'ALEMB., Lett. à Volt. 27 sept. 1759]
Qui exprime la confusion, la timidité, en parlant de l'air, des manières. Si vous aviez la bonté d'aller vous-même lui parler pour moi, vous me feriez grand plaisir, ajoutai-je d'un air niais et honteux [MARIV., Pays. parv. 4e part.]
Fig. et familièrement. Le morceau honteux, le dernier morceau qui reste dans un plat, et auquel personne n'ose toucher, de crainte qu'on ne l'accuse d'en priver les autres. 4° Mal honteux, maladie honteuse, la maladie syphilitique.
5° Les parties honteuses, les parties de la génération. Fig. Il est la partie honteuse de cette compagnie, de ce corps, il fait déshonneur à la compagnie, au corps dont il est membre. Terme d'anatomie. Artères honteuses, veines honteuses, nerfs honteux, artères, veines, nerfs qui appartiennent aux parties de la génération.
PROVERBES
- Il n'y a que les honteux qui perdent, c'est-à-dire souvent on ne réussit pas faute de hardiesse.
- Jamais honteux n'eut belle amie, c'est-à-dire en amour il faut être entreprenant.
HISTORIQUE
- XIIe s. Seigneur, dit l'apostoles, moult est honteus cis fais [, Sax. X]Et se la temptacion ravist alcune foiz la pense [pensée] juske al delit [à la volupté], isnelement sunt hontous de l'engin del delit [, Job, p. 452]
- XIIIe s. Moult ert et pros [preux] et coragos, Et dols et humles et hontos [, Partonopex, V. 545]
- XVe s. Si le fist le roy asseoir auprès de luy ; et il s'i asseit moult envis, comme celluy qui est le plus honteux de monde ; mais le fist pour la volunté du roy acomplir [, Lancelot du lac, t. II, f° 110, dans LACURNE]De moy se devroient bien moquier ; Honteux suy d'y estre venu [, Nativité de J. C. Mystère]Je suis votre mere, à qui ne devez rien celer et de qui ne devez estre honteuse [LOUIS XI, Nouv. XX]
- XVIe s. Le bon seigneur que voici, averti de notre pauvreté honteuse, m'a fait dire... [DESPER., Contes, VIII]Il faut que d'un peché, comme d'une maladie honteuse, la descouverture et la correction soit secrette, non pas publique [AMYOT, Com. disc. le flatt. de l'ami, 55]Poetus se frappa tout soubdain de ce mesme glaive [dont Arria s'était frappée], honteux, à mon advis, d'avoir eu besoing d'un si cher et precieux enseignement [MONT., III, 182]
ÉTYMOLOGIE
- Honte ; provenç. anctos ; ital. ontoso.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877