ingénu, ue
INGÉNU, UE
(in-jé-nu, nue) adj.1° Terme de droit romain. Né libre et qui n'a jamais été dans une servitude légitime, par opposition à affranchi, comme libre s'oppose à esclave.
Les enfants, dont la différence d'avec les esclaves, c'est qu'ils naissent libres et ingénus [BOSSUET, Polit. VIII, II, 2]
Substantivement.Transporter aux ingénus une partie de ces emplois, c'est diminuer le nombre des esclaves [MONTESQ., Espr. XV, 18]
2° Terme de féodalité. Fief ingénu, fief libre, fief noble.
3° Par extension du sens de personne libre. Qui laisse voir avec naïveté ses sentiments. Une jeune fille ingénue.
Il est ingénu et sans malice [FÉN., Dial. des morts anc. 6]
Voilà un garçon bien ingénu [REGNARD, Sérénade, sc. 18]
Il se dit aussi des choses. Penser ingénu [TRISTAN, Marianne, II, 4]
Franchise ingénue [ROTR., St Genest, IV, 9]
Esprit ingénu [ID., ib.]
Son récit ingénu redoubla la pitié Dans les cœurs prévenus d'une juste amitié [LA FONT., Filles de Minée.]
Un air réformé, une modestie outrée, la singularité de l'habit.... ne relèvent pas le mérite ; ils le fardent et font peut-être qu'il est moins pur et moins ingénu [LA BRUY., XII]
Près du temple sacré les Grâces demi-nues Accordent à leurs voix leurs danses ingénues [VOLT., Henr. IX]
Nos sciences, nos arts étrangers à ses soins Ne l'ont point dépouillé de ses mœurs ingénues [GILB., le Poëte malheureux.]
Qu'un jeune homme, agité d'une flamme inconnue, S'écrie aux doux tableaux de ma muse ingénue : Ce poëte amoureux, qui me connaît si bien, Quand il a peint son cœur, avait lu dans le mien [A. CHÉN., Élég. XXXII]
Là, dans l'ombre descend ma Muse, à l'œil fier, aux traits ingénus, Image éclatante et confuse Des anges à l'homme inconnus [V. HUGO, Odes, V, 15]
Substantivement. Faire l'ingénu, l'ingénue. Il y a un roman de Voltaire intitulé l'Ingénu. Au théâtre, jouer les ingénues, jouer les rôles de jeunes filles naïves. ÉTYMOLOGIE
- Lat. ingenuus, proprement naturel ; par extension, légitime ; par une autre extension, digne d'un homme libre, franc ; de in, en, dans, et genuus, engendré : c'est-à-dire inné, naturel (voy. GÉNÉRATION).
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877