ouïr
ouïr
[ wir] v.t. [ du lat. audire, entendre ]OUÏR
(ou-ir. Des grammaires disent que ce mot a une demi-aspiration ; cela est contre l'usage qui élide l'é devant ouïr : l'ouïr) , j'ois, tu ois, il oit, nous oyons, vous oyez, ils oient ; j'oyais, nous oyions ; j'ouïs, nous ouïmes ; j'oirai, nous oirons, ou j'orrai, nous orrons ; j'oirais ou j'orrais ; oyons, oyez ; que j'oye, que nous oyions, qu'ils oient ; que j'ouïsse ; oyant ; ouï v. a.Cette conjugaison, très régulière, est inusitée, excepté à l'infinitif présent et au participe passé, selon l'Académie ; mais il faut ajouter comme usités encore le parfait défini et l'imparfait du subjonctif ; les autres temps ne s'emploient que dans le style marotique ; pourtant il serait bien utile de remettre en usage oyant, et de dire en oyant, au lieu de en entendant, qui est si désagréable à l'oreille.HISTORIQUE
- XIe s. Signor, dist Guenes, vous en orrez nouveles [, Ch. de Rol. XX]Respont Rolans : orguel oi et folage [, ib. X]De cels de France odum [nous oyons] les grailes [trompettes] clers [, ib. CLVIII]
- XIIe s. Pour la [l'espée] Charlon, dont il oï parler [, Ronc. 125]Jà de cruel au desseure [dans le triomphe] [vous] N'orrez dire bon recort [, Couci, IV]Et qu'il vous plaist à oïr ma priere [ID., XVIII]Liquels parlera les poances [puissances] del Segnor ? oïdes ferad tutes les loenges de lui ? [, Liber psalm. p. 158]Il parla hautement, oyant tout le barnage [, Sax. XXVI]
- XIIIe s. Cil Alexis.... se fist empereour par tel traïson come vous oez [VILLEH., XLII]Et avoit grant ire de ce qu'il audoit que Acomat fust escanpés [MARC POL, p. 748]Mais je n'os [ose] por [à cause de] ces bestes qu'en ces bois glatir o [j'entends] [, Berte, XXXII][Ils] Ne purent une messe entierement oïr [, ib. LXIII]Bien avez oÿ dire et mainte fois retraire.... [, ib. LXIX]La ooit Symons messe et toute sa maisnie [, ib. CIX]Car il n'est fame tant soi bonne, Vieille ou jone, mondaine ou nonne.... Se l'en va sa biauté loant, Qui ne se delite en oant [, la Rose, 9982]Fai, se tu pues, chose qui plaise As dames et as demoiselles, Si qu'el oient bones noveles Dire de toi et raconter [, ib. 2132]Il est contraires à li meismes quant il dist : je sai de certain, ce qu'il ne set que par oïr dire [BEAUMANOIR, XL, 12]Seez vous ci bien près de moy, pour ce que en ne nous oie [JOINV., 196]N'est si mal sourt com cil qui ne vuelt oïr goute [J. DE MEUNG, Test. 1595]
- XIVe s. Il semble que ire n'oe aucunement raison [ORESME, Eth. 205]
- XVe s. Ceux qui le liront [ce livre], verront et orront ... [FROISS., Prol.]
- XVIe s. Lors ouyssiez, par ung ardant desir, France cryer : brief, c'estoit un plaisir.... [J. MAROT, V, 227]Dieu guarde de mal qui veoid bien, et ne oyt goutte [RAB., III, 15]Ceste année, les aveugles ne verront que bien peu, les sourds oyront assez mal, les muetz ne parleront gueres [ID., Pantagrueline pronostication, ch. 3]Qui a aureilles pour ouir, qu'il oye [CALV., Instit. 769]J'ouy aultrefois tenir à un prince que.... [MONT., I, 54]Ils ont voulu les instruire non par ouïr-dire, mais par l'essay de l'action [ID., I, 152]C'est une chose non encore ouye, et du tout ridicule, d'estre lieutenant de soy-mesme [CARL., II, 8]Ouïr dire va par ville ; et en un muid de cuider, n'y a point plein poing de sçavoir [LOYSEL, 771]Oy, voy, et te tais, si tu veux vivre en paix [COTGRAVE, ]Qui demande ce qu'il ne devroit, Il oit ce qu'il ne voudroit [ID., ]Tout ouir, tout voir, et rien dire, Merite en tout temps qu'on l'admire [ID., ]Qui bien oyt bien parle, et qui mal oyt mal parle [CHARRON, Sagesse, I, 12]
ÉTYMOLOGIE
- Picard, aouir, auir, aoir ; wallon, oiî ; j'aus ben, j'entends bien ; provenç. ausir ; esp. oir ; port. ouvir ; ital. udire ; du lat. audire ; comparez OREILLE. Audire paraît être un dénominatif de auris, oreille, qui est pour ausis. Voltaire (Comm. Corn. Poly. III, 2) prétend qu'à l'infinitif nous disions autrefois oyer, et que les sessions de l'échiquier de Normandie s'appelaient oyer et terminer. C'est une erreur ; oyer à l'infinitif serait un barbarisme dont il n'y a pas de trace dans notre historique ; oyer et terminer est non pas du normand, mais de l'anglo-normand ; enfin oyer, terminer sont non des infinitifs mais des substantifs.
ouïr
ouir
Ouir, ab Audire, au versa in ou, Picardis Auir, Audire, Accipere, In aures recipere.
Ouir attentivement, Arrigere aures.
Ouir diligemment, Curam auribus accommodare.
N'ouir gueres cler, Auribus audire parum.
Qui n'oit pas fort cler, Captus auribus.
Quand on n'oit pas fort cler ne à son aise, Grauitas audiendi vel auditus.
Ouir volontiers, AEquo animo attendere.
Ouir volontiers les poetes, Dedere aures suas poetis.
Ouir volontiers les gens, Se facilem praebere in hominibus audiendis.
On n'oit autre chose au quartier, Quotidiano cantu vocum et neruorum, nocturnisque conuiuiis tota vicinitas personat, Bud. ex Cic.
A ouir droict comme devant, Iterum ex aequo edicta dies sententiae pronuntiandae, B.
¶ Ouir dire, Audire, Inaudire, Intelligere.
Ouir dire quelque chose à aucun, Audire aliquem ex re aliqua.
J'ay ouy dire, Venit ad aures meas.
Je l'ay ouy dire, Audiui dicere.
J'oy dire, Accipio.
Comme nous avons ouy dire de Hercules, Vt de Hercule accepimus.
Quand ceux du camp ouirent dire ceci, Quum peruasisset castra rumor.
Par ouir dire, Fando cognitum.
Dire quelque nouvelle par ouir dire, Audito nuntiare, Auditione, vel Ex auditu.
Scavoir par ouir dire, et par le bruit, Accipere auditione et fama.
N'en sçavoir que par ouir dire, Rumorem authorem habere.
Je n'en sçay rien que par ouir dire, Nihil praeter auditum habeo.
Tesmoins qui deposent par ouir dire, Auriti testes.
Avoir ouy quelque peu parler de quelque chose, Aspersum esse auditiuncula.
Si ton maistre oit parler de cela, Si ad herum haec res peruenit.
Ne vouloir point ouir parler de quelqu'un, Auribus hominum respuere.
Ne vouloir escouter et ouir parler aucun, Auertere se a sermone alicuius.
Ne vouloir ouir parler de la verité, Aures claudere veritati.
Est-ce de c'est heure seulement que tu ois parler de ce crime? Nunc primum hoc aures tuae crimen accipiunt?
A grand'peine en ay-je ouy parler, Vix ad aures meas istius fama peruenit.
De quoy on n'a point ouy parler, Inauditus.
Vous n'en orrez jamais parler, Orationem ita comprimam, vt nunquam emanaturam putem, Bud. ex Cic.
Un juge qui ne veut point ouir parler les parties, Iudex qui potestatem adeundi sui non facit, Copiam sui adeuntibus inuidet, Non patitur secum agi, B.
Ouir les merites de la cause avec aucun, Cognoscere causas cum aliquo.
Quand il eut ouy le bruit que, etc. Quum ad eum fama tanti comparati exercitus perlata esset.
Tu ois tout l'affaire, Habes omnem rem.
¶ On n'oit rien de nouveau, Auditur noui nihil.
Ne vouloir point ouir choses bien dites et sagement, Aures claudere ad voces doctissimas.
A te ouir parler, Ex verbis tuis.
J'ay à ouir que cestuy sent, Audire habeo quid hic sentiat.
Ouiray-je tant de fois parler d'une chose? An ego toties de eadem re audiam?
Ouir un maistre, Dare operam praeceptori.
Je l'ay ouy de luy, Audiui ex eo.
Qui est attentif à ouir, Auritus populus.
Le lieu où on oyt, Auditorium.
Qui oyt et escoute, Auditor.
Qui est ouy, Auditus.
Estre facilement ouy par la Cour, ou avoir facilement audience en la Cour, Feriatas aures Curiae inuenire, B.