PRÉTENDRE
(pré-tan-dr') v. a.Il se conjugue comme tendre. 1° Réclamer, exiger comme un droit.
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième [part] [LA FONT., Fabl. I, 6]
Je proteste de ne rien prétendre à tous vos biens, pourvu que vous me laissiez celui que j'ai [MOL., l'Av. V, 2]
Ils [les maréchaux] prétendent du monseigneur [SÉV., 2 août 1675]
Je n'en prétends pas [de remettre des fermages à des fermiers] un grand mérite, puisque c'est par force [ID., 15 juin 1680]
Son frère Florien prétendit l'empire par droit de succession, comme le plus proche héritier [BOSSUET, Hist. I, 10]
Ces deux peuples étaient en guerre pour des terres que chacun d'eux prétendait [ID., ib. III, 6]
Je ne prétends de vous ni pitié ni secours [BRIFFAUT, Ninus II, v, 4]
Absolument.
En ce cas il verra que je sais comme il faut Punir des insolents qui prétendent trop haut [CORN., la Suiv. I, 8]
Tu prétends un peu trop ; mais, quoi que tu prétendes, Rends-toi digne du moins de ce que tu demandes [ID., Cinna, IV, 6]
J'ai les cheveux noirs, naturellement frisés, et avec cela assez épais et assez longs, pour pouvoir prétendre en belle tête [LA ROCHEFOUC., Portr.]
2° Aspirer à.
Ceux qui ne seront pas satisfaits de ces raisons [sur la divisibilité de l'espace à l'infini].... ne peuvent rien prétendre aux démonstrations géométriques [PASC., Esprit géom. I]
Prétendre la main, aspirer à épouser.
Je n'ai point prétendu la main d'un empereur [CORN., Pulch. I, 5]
On dit de même : prétendre une personne.
De tant d'amours il ne m'en est échu pas un, et de tant de belles il n'y en a pas une seule que je prétende [VOIT., Lett. 86]
Ces deux nymphes, Mirtil, à la fois te prétendent [MOL., Mélic. I, 1]
Et la preuve après tout que je vous en demande, C'est de ne plus souffrir qu'Alceste vous prétende [ID., Mis. v, 2]
Tous les princes à marier la prétendent [la princesse de Bavière] [SÉV., 267]
3° Avoir pour objet, en parlant de choses (peu usité en ce sens).
Si de son arrivée [de l'ambassadeur romain] Annibal fut la cause, Lui mort, ce long séjour prétend quelque autre chose [CORN., Nicom. I, 1]
4° Soutenir, affirmer.
Valère : Que vient de te donner cette farouche bête ? - Ergaste : Cette lettre, Monsieur, qu'avecque cette boîte On prétend qu'ait reçue Isabelle de vous [MOL., Éc. des mar. II, 8]
Gardez-vous de prétendre Que de tant d'ennemis vous puissiez vous défendre [RAC., Mithr. v, 5]
Je prétens Qu'Aristote n'a point d'autorité céans [ID., Plaid. III, 3]
Prétendre avec Descartes que les animaux sont de pures machines privées du sentiment dont ils ont les organes, c'est démentir l'expérience et insulter la nature [VOLT., Louis XIV, Écriv. Pardies.]
On prétend que le cardinal de Richelieu lui offrit [à Saumaise] une pension de douze mille francs pour revenir en France, à condition qu'il écrirait à la gloire de ce ministre [ID., Louis XIV, Écriv. Saumaise.]
En ce sens, il ne prend guère pour complément direct qu'un nom indéterminé. Je prétends ceci.
Ce que je prétends, c'est que.... à d'austères devoirs le rang de femme engage, Et vous n'y montez pas, à ce que je prétends, Pour être libertine et prendre du bon temps [MOL., Éc. des femm. III, 2]
Cependant on dit : prétendre une chose bonne, mauvaise, soutenir qu'elle est bonne, mauvaise.
J'écrivis à l'ami Damilaville que des gens qui revenaient de Barége, prétendaient ces eaux souveraines pour les dérangements que.... [VOLT., Lett. d'Alembert, 15 oct. 1768]
5° Prétendre avec le verbe à l'infinitif sans préposition, avoir l'intention de.
Une mouche survient, et des chevaux s'approche, Prétend les animer par son bourdonnement [LA FONT., Fabl. VII, 9]
Le compère aussitôt va remettre en sa place L'argent volé, prétendant bien Tout reprendre à la fois, sans qu'il y manquât rien [ID., ib. x, 5]
Je prétends vous traiter comme mon propre fils [RAC., Athal. II, 7]
Avoir la prétention, se flatter de.
Il est arrivé à peu de personnes de prétendre connaître toutes choses : je vais parler de tout, disait Démocrite [PASC., Pens. I, 1, édit. HAVET.]
Sur quoi d'ailleurs prétendez-vous être mieux traité que moi ? [VOLT., Babouc.]
On a dit : prétendre de.
Après sa mort [de Vaugelas], les cahiers du dictionnaire, avec le reste de ses écrits, furent saisis par ses créanciers, qui prétendaient d'en tirer une somme considérable de quelque imprimeur [PELLISSON, Hist. de l'Acad. III]
Ne prétendez pas, mes pères, de faire accroire au monde que.... [PASC., Prov. X]
J'irai à Bourbilly, où je prétends bien de vous voir [SÉV., 15 juill. 1673]
Prétendre que, avec le subjonctif, vouloir, entendre.
Et qu'à moins de cela je ne dois point prétendre Qu'on puisse être content.... [MOL., Tart. IV, 5]
De lui seul il prétend qu'on reçoive la loi [BOILEAU, Sat. X]
Demain, sans différer, je prétends que l'aurore Découvre mes vaisseaux déjà loin du Bosphore [RAC., Mithr. III, 1]
Comme elles étaient publiques [les caresses que Mme de Cleveland faisait au duc de Montmouth], elle prétendait qu'elles dussent être sans conséquence [HAMILT., Gramm. X]
Il [Malebranche] prétend que les anges aient été les causes occasionnelles des œuvres surprenantes de Dieu dans l'Ancien Testament [FONTEN., Doutes sur les causes occas. Œuv. t. IX, p. 8, dans POUGENS.]
Chaque parti prétend que son vœu soit suivi [LEMIERRE, Barnevelt, I, 5]
On met aussi quelquefois le conditionnel après prétendre à l'imparfait, et le futur après le présent.
Traître, tu prétendais qu'en un lâche silence Phèdre ensevelirait ta brutale insolence [RAC., Phèd. IV, 2]
S'il [le sultan] ose quelque jour me demander ma tête, Je ne m'explique point, Osmin, mais je prétends Que du moins il faudra la demander longtemps [ID., Baj. I, 1]
6° V. n. Aspirer à.
Il ne prétend à vous qu'en tout bien et en tout honneur [MOL., Scap. III, 1]
Il ne faut point que je prétende à vivre agréablement sans vous [SÉV., 11 sept. 1675 (l'éd. de 1735 a : prétende de vivre)]
Interdire à mes vers, dont peut-être il fait cas, L'entrée aux pensions où je ne prétends pas [BOILEAU, Sat. IX]
On ne fut point sévère pour la Fontaine, parce qu'il semblait ne prétendre à rien ; moins il exigeait, plus on lui accordait ; on lui passait ses mauvaises fables en faveur des excellentes [VOLT., Mél. litt. Lett. de la Visclède.]
Il joint à l'amabilité à laquelle nos Français prétendent à tort ou à droit, une maturité de raison à laquelle malheureusement ils ne prétendent pas [D'ALEMB., Lett. au roi de Pr. 15 sept. 1775]
Cette révolution [française] qui, malgré la vieillesse du genre humain, prétendait à recommencer l'histoire du monde [STAËL, Corinne, XII, 1]
SYNONYME
- PRÉTENDRE LA PREMIÈRE PLACE, PRÉTENDRE à LA PREMIÈRE PLACE. Prétendre la première place, l'exiger comme un droit, comme quelque chose qui nous appartient. Prétendre à la première place, y aspirer, travailler à l'obtenir.
HISTORIQUE
- XVe s.
Le roi la pretendoit sienne [la ville] [COMM., V, 11]
- XVIe s.
Les matieres ici traictées ne sont tant folastres comme le tiltre au dessus pretendoyt [RAB., Garg. I, Prol.]
On conçoit meilleure esperance de la fin où l'on pretend, quand on void que les principes sont bons [LANOUE, 399]
La ville qu'il pretendoit d'assieger [ID., 632]
Ils pretendent tirer ce fruict de leur desseing.... [MONT., I, 283]
Nul esprit genereux ne s'arreste de soy ; il pretend tousjours, et va oultre ses forces [ID., IV, 236]
Ilz s'en retournerent tout court à grande diligence, ayans failly à prendre ce qu'ilz pretendoient, et à garder ce qu'ilz tenoient [AMYOT, Timol. 27]
Il aspiroit et pretendoit à ne sçay quelle seigneurie et principaulté [ID., Timol. et P. Aem. comp. 2]
ÉTYMOLOGIE
- Lat. praetendere, de prae, avant, et tendere, tendre.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877