RÉVOLTER
(ré-vol-té) v. a.1° Porter à la révolte, mettre en révolte.
Comme un ennemi qui se déguise pour entrer dans une place qu'il veut révolter contre les puissances légitimes [BOSSUET, la Vallière.]
Lorsque Arbace révolta les Mèdes contre Sardanapale [ID., Hist. I, 7]
C'est lui [le destin] qui m'a ravi l'amitié de mon père, Qui le fit mon rival, qui révolta ma mère [RAC., Mithr. IV, 2]
2° Fig. Soulever contre.
Un feu que la raison n'avait pas encore modéré le révoltait contre la discipline et la contrainte [FLÉCH., Duc de Mont.]
Contre un si juste choix qui peut vous révolter ? [RAC., Mithr. III, 5]
Si l'aiguillon de Satan révolte la chair contre l'esprit [MASS., Carême, Prière 2]
Cette situation [l'obéissance dans le cloître] paraît révolter d'abord tous les penchants les plus raisonnables de la nature [ID., Profess. relig. serm. 3]
3° Choquer excessivement, indigner, irriter.
Dès le premier chapitre du livre IV, le ministre [Jurieu] croit révolter contre moi tous les esprits, en disant.... [BOSSUET, 2e instr. past. 2]
Ces ridicules admirateurs de l'antiquité vous ont révolté contre tout ce que l'antiquité a de plus merveilleux [BOILEAU, Lett. à Perrault.]
Il vous paraît déraisonnable de se laisser révolter par des riens [MASS., Carême, Pardon.]
Il [Louis le Débonnaire] commença à venger les crimes domestiques avant d'être arrivé au palais, et à révolter les esprits avant d'être le maître [MONTESQ., Esp. XXXI, 20]
Il faut dans la chaire montrer l'homme à lui-même, moins pour le révolter par l'horreur du portrait, que pour l'affliger par la ressemblance [D'ALEMB., Éloges, Massillon.]
Absolument. Cela révolte. Il se dit aussi de choses que l'on choque. Cela révolte le bon sens.
De ces républicains la triste austérité De son cœur généreux révolte la fierté [VOLT., Brutus, III, 3]
4° Se révolter,
v. réfl. Se soulever contre l'autorité établie.
C'est contre cette autorité [l'Église] que les libertins se révoltent avec un air de mépris [BOSSUET, Anne de Gonz.]
Qui ? moi, que contre un père osant me révolter, Je mérite la mort que j'irais éviter ? [RAC., Iphig. V, 2]
Mes nymphes se sont révoltées contre moi [FÉN., Tél. VII]
Les strélitz, excités par la princesse Sophie, qui espérait plus d'autorité sur Jean son frère de père et de mère, et incapable de tout, se révoltèrent en faveur de Jean [FONTEN., Pierre Ier.]
Fig.Mon fils vous dira le bon état où je suis ; il est vrai qu'une petite plaie que nous croyions fermée a fait mine de se révolter [SÉV., 28 janv. 1685]
Du sang qui se révolte est-ce quelque murmure ? [RAC., Iphig. I, 3]
Contre moi-même enfin j'osai me révolter [ID., Phèd. I, 3]
Notre condition est meilleure quand nous nous y soumettons de bonne grâce, que quand nous nous révoltons inutilement contre elle [FONTEN., Bonh. Œuv. t. III, p. 257, dans POUGENS]
Avec suppression du pronom personnel. C'est lui qui a fait révolter la province. En langage de dévotion. Le péché a fait révolter la chair contre l'esprit. On l'a employé avec la préposition de.
Dans ce siècle, presque tous les esprits se révoltent de la foi [BALZ., Liv. I, lett. 14]
5° S'indigner, s'irriter.
Elle se révolte aisément contre les moindres choses [SÉV., 374]
À présent que je suis assis dans la chaire de Jésus-Christ.... si j'allais vous enseigner quelque erreur, je verrais tout mon auditoire se révolter contre moi [BOSSUET, la Vallière.]
La reine était à la tête de ceux qui se récriaient contre un scandale si public et un si horrible désordre, et qui se révoltaient contre l'impunité si criante [lord Shrewsbury, tué en duel par Buckingham, amant de sa femme] [HAMILT., Gramm. X]
On s'est révolté contre le terme de réfrangibilité, aussi bien que contre celui d'attraction, de gravitation ; eh qu'importe le terme, pourvu qu'il indique une vérité ? [VOLT., Phil. Newt. II, 8]
HISTORIQUE
- XVIe s.
Il se revolta et changea de party [MONT., I, 44]
Nous sommes tous apostats en nous revoltant d'un seul dieu [CALV., Instit. 22]
Se revolter de l'obeissance de la loy [ID., ib. 1018]
Le roy de Navarre s'estoit revolté [retourné, avait fait une volte, avait repris la religion catholique] [LANOUE, 522]
D'Aubigné, qui avoit coutume de ne dire adieu qu'à ceux qui estoient prets à mourir ou à se revolter [apostasier], dit adieu au ministre du Ferrier [D'AUB., Vie, CXXIII]
Les fregates l'ayant pris, le bacha le receut honorablement avec grandes offres pour le revolter [ID., Hist. I, 117]
ÉTYMOLOGIE
- Ital. rivoltare ; voy. RÉVOLTE.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877