REFONDRE
(re-fon-dr') v. a.Il se conjugue comme fondre. 1° Fondre de nouveau. On refondit les canons.
2° Refondre les monnaies, les fondre pour les mettre sous forme de lingot.
La nation supportait un autre dommage par cette altération des monnaies ; on les refondait chez l'étranger, qui donnait aux Français pour soixante livres ce qu'il avait reçu pour quarante [VOLT., Hist. parl. LX.]
3° Fig. Refaire, donner une meilleure forme, en parlant des choses.
De sorte qu'il en faudrait venir à renouveler toutes les questions déjà jugées, et à refondre, pour ainsi dire, le christianisme, comme si l'on n'y eût jamais rien décidé [BOSSUET, 1er avert. 39]
Il est plus aisé de refondre ces prophéties que d'y insérer les choses.... [ID., Hist. II, 13]
Depuis que j'ai eu trouvé une fois la circulation du sang, c'est à qui trouvera un nouveau conduit, un nouveau canal, un nouveau réservoir ; il semble qu'on ait refondu tout l'homme [FONTEN., Dial. V, Erasist. Hervey.]
On y refondit [dans une loi d'Auguste sur les mariages] les lois juliennes, et on leur donna plus de force [MONTESQ., Esp. XXIII, 21]
Je vous prie de me renvoyer l'article histoire, dont je ne suis pas content, et que je veux refondre puisque j'en ai le temps [VOLT., Lett. d'Alembert, 29 nov. 1756]
Je m'enfermai dans ma chambre, et travaillai deux ou trois mois, avec une ardeur inexprimable, à refondre, dans un ouvrage destiné pour le public, le mémoire que j'avais lu à l'Académie [J. J. ROUSS., Conf. VII]
4° Fig. Changer le caractère, les mœurs, les habitudes.
Ce qui coûte, c'est de refondre un naturel trop vif pour le plaisir [MASS., Carême, Culte.]
Il me semble qu'en se joignant [Malesherbes] à M. Turgot pour refondre cette France qui a tant besoin d'être refondue, ils auraient fait tous deux des miracles [VOLT., Lett. Vaines, 26 avr. 1776]
C'est donc en vain qu'on prétendrait refondre les divers esprits [J. J. ROUSS., Hél. V, 3]
Il y a des états qui semblent changer la nature, et refondre, soit en mieux soit en pis, les hommes qui les remplissent [J. J. ROUSS., Ém. IV]
Il [Cromwell] fut bientôt l'âme de tout ; il refondit et reconstitua l'armée [CHATEAUB., les Quatre Stuarts, Cromwell.]
Il faudrait le refondre, se dit d'un homme qui ne pourrait se corriger que s'il changeait de naturel. On dit dans le même sens : Vous ne me refondrez pas.
Vous me direz que Mme de Tisé est ridicule d'avoir exigé cette belle déclaration de son neveu ; qu'elle ne sait point le monde ; que cela est de travers : tout cela est vrai, mais on ne la refondra pas [SÉV., 15 nov. 1684]
5° Terme de marine. Reprendre un navire de bas en haut, le réparer dans toutes ses parties, en changer les membres, les bordages, les baux, etc.
6° Remettre au pilon le papier hors d'usage.
7° Chez les graveurs à l'eau-forte, adoucir le trait du calque, en faisant chauffer le vernis de la planche.
8° Se refondre,
v. réfl. Être remanié.
Les différentes matières du droit sont effectivement dans une grande confusion ; mais sa tête, en les recevant, les avait arrangées, elles s'étaient refondues dans cet excellent moule, et elles auraient beaucoup gagné à reparaître sous la forme qu'elles y avaient prise [FONTEN., Leibnitz.]
Changer son caractère.
On ne se refond point [SÉV., 21 juin 1680]
On ne paraît pas né pour la dévotion ; comment changer de tempérament et se refondre tout entier ? [MASS., Carême, Samar.]
HISTORIQUE
- XVIe s.
Les paroles de Dieu sont paroles pures, argent bien refondu par sept fois en vaisseau exquis [CALV., Instit. 432]
Il est necessaire de chercher les moyens non pas de les despouiller du tout de ces dommageables passions (car il les faudroit faire refondre), mais de les diminuer en eux [LANOUE, 438]
Mais de refondre une si grande masse [la chose publique], et changer les fondements d'un si grand bastiment.... [MONT., IV, 82]
ÉTYMOLOGIE
- Re..., et fondre ; wallon, rifond ; provenç. refondre ; espagn. refundir ; ital. rifondere.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877