sot, otte
SOT, OTTE
(so, so-t' ; le t se lie : un so-t animal ; des grammairiens disent que le t de sot se prononce, quand un père, réprimandant son fils, dit : vous êtes un sot ; cela n'est pas à recommander, et le t ne doit pas plus se prononcer dans cette circonstance que dans les autres) adj.1° Qui est sans jugement.
On peut être sot avec beaucoup d'esprit, et on peut n'être pas sot avec peu d'esprit [LA ROCHEFOUC., Réfl. div. p. 119]
Aussi sot par derrière que par devant [MOL., Bourg. gent. III, 4]
Ceux-là [occupés à la philosophie, aux sciences] sont les plus sots de la bande, puisqu'ils le sont avec connaissance, au lieu qu'on peut penser des autres qu'ils ne le seraient plus s'ils avaient cette connaissance [PASCAL, Pens. IV, 2, éd. HAVET.]
J'aime le bel abbé de l'attention qu'il paraît avoir pour vos affaires, et du soin qu'il a de me chercher pour en discourir avec moi, qui ne suis pas si sotte sur cela, à cause de l'intérêt que j'y prends, que sur toutes les autres choses du monde [SÉV., 21 août 1676]
De Paris au Pérou, du Japon jusqu'à Rome, Le plus sot animal, à mon avis, c'est l'homme [BOILEAU, Sat. VIII]
Si vous voyez deux chiens.... qui se mordent et se déchirent, vous dites : voilà de sots animaux ; et vous prenez un bâton pour les séparer [LA BRUY., XII]
Je serais fâché que vous crussiez que je suis assez sot pour ne rien voir, quoique je sois assez honnête pour ne rien dire [HAMILT., Gramm. 8]
Il n'est pas sot, ce Valère ; il n'est parbleu pas sot ! [LESAGE, Crisp. riv. de son maître, sc. 13]
Si l'abbé Coyer parle comme il écrit, il doit être fort aimable ; mais ma mère, qui avait vu Despréaux, disait que c'était un bon livre et un sot homme [VOLT., Lett. d'Argental, 6 juill. 1761]
Madame [mère du régent], ajoutait-il [Clermont-Tonnerre], est le plus sot homme du monde, et Monsieur la plus sotte femme [DUCLOS, Œuv. t. V, p. 238]
Familièrement. Je ne suis pas si sot, c'est-à-dire c'est une sottise, une imprudence que je ne commettrai pas. Je n'y vas point, je ne suis pas si sot [LA FONT., Fabl. II, 2]
Substantivement.La sage se sait vendre où la sotte se donne [RÉGNIER, Sat. XII]
Parce que Junius Brutus contrefit le sot, ils ont eu de la défiance de tous les sots ; ils se sont figuré que tous les niais imitaient Brutus [BALZ., De la cour, 3e disc.]
Sache le sot qui s'en scandalise, que tout homme est sot en ce bas monde, aussi bien que menteur ; les uns plus, les autres moins ; et moi qui vous parle, peut-être plus sot que les autres [SCARR., Rom. com. I, 9]
M. Ravaud, votre ami, m'a prié de lui en servir [de caution], et je l'ai fait pour l'amour de vous, quoique je sache que le titre de fidejussoribus dans le droit est appelé le titre des sots [GUI PATIN, Lett. t. II, p. 24]
Un sot n'a pas assez d'étoffe pour être bon [LA ROCHEFOUC., Max. 387]
Quand le malheur ne serait bon Qu'à mettre un sot à la raison, Toujours serait-ce à juste cause Qu'on le dit bon à quelque chose [LA FONT., Fabl. VII, 7]
Dans tous les beaux-arts, c'est un supplice assez fâcheux que de se produire à des sots [MOL., Bourg. gent. I, 1]
Et c'est mon sentiment qu'en faits comme en propos La science est sujette à faire de grands sots [ID., Femm. sav. IV, 3]
Le plus grand des maux est les guerres civiles, elles sont sûres, si on veut récompenser les mérites.... le mal à craindre d'un sot qui succède par droit de naissance n'est ni si grand ni si sûr [PASC., Pens. V, 3, édit. HAVET]
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire [BOILEAU, Art p. I]
Un sot ni n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit [LA BRUY., II]
Les fautes des sots sont quelquefois si lourdes et si difficiles à prévoir, qu'elles mettent les sages en défaut et ne sont utiles qu'à ceux qui les font [ID., XI]
Un sot est celui qui n'a pas même ce qu'il faut d'esprit pour être fat [ID., XII]
Ma séve est passée, je n'ai plus ni fruits ni feuilles.... les sots et les fanatiques auront bon temps cet automne et cet hiver ; mais gare le printemps [VOLT., Lett. d'Argental, 28 août 1760]
L'expérience ne fait-elle pas voir que presque tous les sots ne valent rien ? [COMTE DE CAYLUS, Mém. de l'acad. de Troyes, Œuvr. t. XII, p. 91, dans POUGENS.]
Je m'étais persuadé que j'avais du génie ; au bout de ma ligne, je lis que je suis un sot, un sot ! un sot ! [DIDER., le Neveu de Rameau.]
Il [Galilée, à ceux qui lui demandaient à quoi servaient les recherches mathématiques] répondait que la géométrie servait principalement à peser, à mesurer et à compter : à peser les ignorants, à mesurer les sots, et à compter les uns et les autres [D'ALEMB., Élog. Bernoulli.]
Maître sot, se dit à un inférieur qu'on rabroue. Holà, maître sot ! vous savez que je vous ai dit que je n'aime pas les faiseurs de remontrances [MOL., Don Juan, I, 2]
Un bon sot, un homme qui croit ce qu'on lui dit, qui se laisse attraper. J'étais un bon sot, moi, de croire, quand tu m'as parlé de prendre des précautions, que.... [HAMILT., Gramm. 3]
C'est un sot en trois lettres, se dit pour appuyer sur la qualification.... Vous êtes un sot en trois lettres, mon fils [MOL., Tart. I, 1]
Familièrement. Par ellipse, quelque sot, c'est-à-dire quelque sot le ferait, le dirait, le croirait. Moi, monsieur ! quelque sot : la colère fait mal [MOL., l'Ét. II, 7]
Orgon : Certes, je t'y guettais. - Dorine : Quelque sotte, ma foi !.... [ID., Tart. II, 2]
2° Il se dit des choses au même sens.
Et toi, que me veux-tu, Ridicule retour d'une sotte vertu ? [CORN., Rodog. V, 1]
La sotte vanité nous est particulière ; Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière : Leur orgueil me semble, en un mot, Beaucoup plus fou, mais pas si sot [LA FONT., Fabl. VIII, 15]
Le sot projet qu'il [Montaigne] a de se peindre ! [PASC., Pens. VI, 33]
Toute la dignité de l'homme est en la pensée ; mais qu'est-ce que cette pensée ? qu'elle est sotte ! [ID., ib. XXIV, 58 bis.]
Rien n'est si sot que d'aimer avec excès un enfant qui n'est point à moi [MAINTENON, Lett. à l'abbé Gobelin, 14 juillet 1669]
L'amour-propre est, hélas ! le plus sot des amours [DESHOUL., t. I, p. 103]
3° Fâcheux, désagréable, ridicule, en parlant de choses.
Morgué ! voilà une sotte nuit, d'être si noire que cela [MOL., Georg. Dand. III, 1]
Nous travaillons à finir une sotte affaire avec un président, pour recevoir le reste du payement d'une terre [SÉV., 27 nov. 1675]
Il y a eu une sotte occasion dans l'armée du maréchal d'Humières, où Nogaret a été dangereusement blessé [ID., 2 août 1689]
Je suis persuadée qu'une femme indifférente trouvera peu d'hommes assez hardis pour lui faire de sottes propositions [Mme DE PUISIEUX, Ridic. à la mode, p. 21, dans POUGENS]
....Et déjà je m'étonne Qu'il ne vous ait point fait quelque sot compliment [REGNARD, Ménechmes, III, 11]
La sotte guerre de Rousseau et de moi continue toujours ; j'en suis fâché, cela déshonore les lettres [VOLT., Lett. Cideville, 25 sept. 1736]
4° Embarrassé, confus.
Sans ce trait fallot Un homme l'emmenait, qui s'est trouvé fort sot [MOL., l'Ét. II, 14]
Ils furent bien sots, lorsque, s'apprêtant à se saisir de mes effets, ils apprirent qu'ils étaient à couvert [LESAGE, Guzm. d'Alf. VI, 3]
On me mande qu'on est tout consterné et tout sot à Paris [VOLT., Lett. d'Argental, 14 oct. 1759]
Voulez-vous voir un personnage embarrassé ? placez un homme entre deux femmes avec chacune desquelles il aura des liaisons secrètes, puis observez quelle sotte figure il y fera [J. J. ROUSS., Ém. V]
Comme il restera sot ! - Edmond : Bien sot de l'aventure [A. DUVAL, Fille d'honneur, III, 8]
Substantivement. Comme un sot, avec confusion. Sans l'inspiration subite de la lettre, il faut l'avouer, j'étais éconduit comme un sot [BEAUMARCH., Barb. de Sév. III, 3]
5° Au féminin, follement amoureuse.
Si bien donc qu'elle est sotte de vous [MOL., l'Et. I, 6]
Que Marinette est sotte après son Gros-René ! [ID., le Dép. IV, 4]
6° Par euphémisme, il s'est dit d'un homme trompé par sa femme.
Épouser une sotte est pour n'être point sot [MOL., École des femmes, I, 1]
Se croyant aussi sot qu'il méritait de l'être, [il] Voulut perdre sa femme ; et, d'après ton rapport, Il la fit mourir [MONTFLEURY, Femme juge et partie, I, 1]
Substantivement.Il veut, à toute force, être au nombre des sots ; Il se maintient cocu.... [LA FONT., Coupe.]
Elles font la sottise, et nous sommes les sots [MOL., Sgan. 17]
Elle ? elle n'en fera qu'un sot, je vous assure [ID., Tart. II, 2]
J'irais, par ma constance aux affronts endurci, Me mettre au rang des saints qu'a célébrés Bussi ! Assez de sots sans moi font parler dans la ville [BOILEAU, Sat. VIII]
7° Le sot, un des noms vulgaires de la raie oxyrrhynque, dite aussi sotte et alène ; c'est la raie au long bec de certains auteurs.
8° Mère sotte, titre d'une sotie, satire de l'Église.
La plus célèbre de toutes les soties est celle de Mère sotte, composée et représentée par ordre exprès de Louis XII [MARMONTEL, Œuv. t. X, p. 156]
PROVERBES
- À sotte demande point de réponse. Elle a raison : à sot compliment il faut une réponse de même [MOL., l'Avare, III, 11]
- De sot homme sot songe, qu'il dorme ou qu'il veille un sot est toujours un sot.
- Sot qui s'y fie, il faut prendre ses précautions.
- Sottes gens, sotte besogne, on ne peut rien tirer de bon des sottes gens. On ne parle que des dissipations de cette maison [des Mirepoix], depuis les plus grandes jusqu'aux plus petites choses : sottes gens, sotte besogne [SÉV., 21 août 1675]
REMARQUE
- On peut dire à quelqu'un sans l'offenser : vous êtes un fou. Mais on ne peut pas lui dire sans l'outrager : vous êtes un sot.
HISTORIQUE
- XIIe s. Coment sunt devenuit si sot li saige home qui un petit enfant aorent ? [ST BERN., p. 550]Apostoles, fait il, cist rois nous tient por sot [, Sax. XVII]
- XIIIe s. On dist piecha [il y a longtemps], que cius [celui-là] a grant disette de sot, qui de lui meymes le fait [, Chr. de Rains, p. 173]
- XIVe s. Qui de trestout se taist, il doit bien pais avoir ; Et si ne sont pas bon à dire tout li voir [toutes les vérités] ; Hastive gent et sot n'aront jà grant avoir [, Beaud. de Seb. X, 1062]Et sachiez que widecos sont les plus sos oyseaulx du monde [, Modus, f° CXXXII, verso]
- XVe s. .... Les sotes vierges, Qui n'avoient oille ne cierges, Quant aux noces entrer cuiderent [E. DESCH., Poésies mss. f° 490]L'un est menestrel, et l'autre a Semblant de faire le sot saige [ce qu'on a nommé plus tard un fou] ; Ces deux ont par tout l'avantaige, L'un en janglant, l'autre à corner [ID., ib. f° 313]Tu [le vin] faiz batailles et rios ; Un saiges homs est par toy sos, Car il pert son sens par yvresse [ID., ib. f° 377]Et si ay veu ailleurs escript Un proverbe qui sur ce dit Que les grans noces font li sot, Et li saige hommes sans escot [ID., Miroir de mariage, p. 29]Les compaignons de Colomiers en Brie se sont acoustumez de eslire entre eulx un personnaige propre pour estre et avoir en tiltre le nom de prince des sotz.... [DU CANGE, princeps.]Le duc de Bourgogne, voyant leur sotte et rude maniere [des Flamands], et que ce qu'il disoit riens ne luy prouffitoit, par belles et douces paroles les commença à rappaiser [MONSTREL., t. I, ch. 78, p. 131, dans LACURNE]
- XVIe s. Qu'un gros sot en rimes compose Des vers par lesquels il me peint [MAROT, III, 158]Ces sottes arguties [MONT., I, 190]Ses livres [de Ctésias] sont pleins de toute sorte de fables, non seulement incroyables, mais aussi folles et sottes [AMYOT, Artax. 1]Tous les assistens dirent que c'estoit une sotte mal apprise, qui ne sçavoit ny bien ny honneur [ID., ib. 39]Le fol est sot quand et quand ; mais tout sot n'est pas fol [H. EST., Apol. d'Hérod. p. 18, dans LACURNE]Pourquoy est-ce quand on nomme homme sot, il s'estime coqu ? [, Moyen de parvenir, p. 369, dans LACURNE]Tellement que ce docte Homere Semble estre fils de sotte mere, Qui jadis rimoit en dormant, Ou plus tost dormoit en rimant [DU VERDIER, Biblioth. p. 237]Femme sotte se cognoist à la cotte [COTGRAVE, ]Sot amy, c'est un ennemy [LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 417]
ÉTYMOLOGIE
- Picard, sot, fou, mains sottes, mains engourdies par le froid ; wallon, so, sott ; espagn. et portug. zote ; angl. et anglo-saxon, sot ; holl. zot ; bas-lat. sottus. Origine inconnue.