soudain, aine
SOUDAIN, AINE
(sou-din, dè-n' ; au XVIe siècle, on écrivait souldain ou soubdain, mais on prononçait soudain, PALSGRAVE, p. 26) adj.1° Qui se fait dans l'instant.
Revois ces champs guerriers dont les sacrés sillons Élevaient contre toi de soudains bataillons [CORN., Médée, III, 3]
L'archiduc, par un soudain mouvement du prince de Condé qui lui oppose des troupes fraîches, est contraint de prendre la fuite [BOSSUET, Louis de Bourbon.]
Emporté d'un coup soudain, il [Turenne] meurt comme Judas Machabée [ID., Louis de Bourbon.]
Il [Charles Gustave] se venge sur le Danois, dont la soudaine invasion l'avait rappelé [ID., Anne de Gonz.]
La mort n'a pu surprendre M. de Gornay, même en arrivant tout à coup ; elle a été soudaine, sans être imprévue [ID., Gornay.]
Vive des passions l'éloquence soudaine ! [LAMOTTE, Fabl. III, 4]
Les jugements soudains, presque uniformes, que toutes nos âmes, à un certain âge, portent des distances, des grandeurs, des situations, nous font penser qu'il n'y a qu'à ouvrir les yeux pour voir de la manière dont nous voyons [VOLT., Phil. Newt. II, 5]
Dante vit, comme nous, les factions humaines, Rouler autour de lui leurs fortunes soudaines [AUG. BARBIER, ïambes, Dante.]
2° Pris adverbialement. Dans le même instant, aussitôt.
Sitôt que du nectar la troupe est abreuvée, On dessert, et soudain la nappe étant levée.... [BOILEAU, Lutr. I]
On se tait, et soudain César prend le premier une coupe à la main [RAC., Brit. V, 5]
J'ai vu naître soudain dans tous les cœurs une soif insatiable des richesses [MONTESQ., Lett. pers. 146]
Tout soudain, même sens. Tout soudain on le vit accourir. 3° Soudain que, loc. conj. Aussitôt que.
Soudain qu'elle m'a vu, Ces mots ont éclaté d'un transport imprévu [CORN., Veuve, IV, 1]
SYNONYME
- SOUDAIN, SUBIT. Ces mots, ayant même radical, ont aussi même signification. Ils ne diffèrent que par l'emploi ; soudain est du style poétique ou élevé ; subit est de tous les styles.
HISTORIQUE
- XIVe s. Item que la chose ne soit pas soudene, car l'en n'auroit pas temps d'avoir conseil et deliberacion [ORESME, Éth. 66]
- XVe s. Au mieulx venir, nostre vie mondaine à soixante ans pou puet oultre passer, Dont vingt ans sont en jeunesse soudaine.... [E. DESCH., Poés. mss. fe 105]
- XVIe s. Les biens et les honneurs mondains Engendrent mal, sont douteux et soubdains [passagers] [, les Triomphes de la noble dame, f° 309, dans LACURNE]Tant bien instruictz en art militaire, tant soubdains à obeir à leurs capitaines [RAB., Garg. I, 47]Soubdain que nos ancres feurent on port jectées, vindrent vers nous.... [ID., Pant. IV, 48]Et tout soudain luy vindrent nouvelles d'un autre costé comme les Megariens avoient aussi pris les armes [AMYOT, Péric. 43]L'un estoit prompt, soudain, hasardeux, fin, et qui legerement entreprenoit toutes choses [ID., Arist. 4]Celui qui voit sa belle main Se peut assurer tout soudain D'avoir vu celle de l'Aurore [, Ode en faveur de Louise Labé]
ÉTYMOLOGIE
- Provenç. subitan, subtan ; espagn. subitaneo ; ital. subitano ; du lat. subitaneus, qui vient de subitus, subit.
Émile Littré's Dictionnaire de la langue française © 1872-1877